La méthanisation au service des transitions énergétique et agricole

La méthanisation, ou production de biogaz à partir de déchets et résidus agricoles s’inscrit dans une logique d’économie circulaire et offre une réponse à trois enjeux principaux : la production d’une énergie renouvelable pouvant se substituer aux énergies fossiles et contribuant ainsi à un futur système énergétique 100% renouvelable, une solution de valorisation des biodéchets et un appui à la transition du secteur agricole grâce à la mise en place de pratiques agro-écologiques. Le WWF France soutient le développement d’une filière de méthanisation agricole, mais sous certaines conditions…

Méthanisation : de quoi parle-t-on ?

La loi de Transition Énergétique pour la Croissance Verte fixe à 10% la consommation de gaz renouvelable à l’horizon 2030, objectif auquel la méthanisation contribue d’ores et déjà.

La méthanisation consiste en la dégradation, sous l’action de bactéries, de matières organiques (ou substrats) telles que les matières agricoles et effluents d’élevage (biomasse végétale, fumier, lisier), les biodéchets (une partie des déchets verts et ménagers), les déchets de l’industrie agro-alimentaire, les boues de stations d’épuration. Cette réaction, appelée digestion anaérobie (en l’absence d’oxygène), produit du biogaz et du digestat.

A l’état brut, le biogaz peut être valorisé sous forme d’électricité, de chaleur, voire les deux (cogénération), ou bien il peut être épuré en biométhane (débarrassé de son CO2 principalement pour ne garder presque que du méthane) afin de pouvoir être injecté dans le réseau de gaz ou utilisé comme carburant (comprimé et alors appelé bioGNV ou bioGNC, ou bien liquéfié pour faire du bioGNL).

Le digestat est la matière organique digérée en sortie de processus comparable à du fumier ou du lisier. Ses caractéristiques dépendent des matières introduites dans le digesteur. Les digestats peuvent être riches en éléments nutritifs (azote, phosphore et potassium, essentiels pour la croissance des plantes). Des précautions doivent être néanmoins prises quant à leur utilisation mais ils peuvent ainsi se substituer aux engrais de synthèse sous certaines conditions. 

Les prérequis d’une filière responsable

Pour certains agriculteurs, l'utilisation du digestat permet de diminuer les apports d'engrais minéraux de 30% : cela peut représenter une économie de 4€ par Mégawatt-heure de biogaz produit. (Source : ENEA consulting).

La méthanisation peut contribuer à l’autonomie des territoires, d'un point de vue énergétique et agricole, si elle s’appuie sur des pratiques agricoles vertueuses, en particulier à travers :

  • Une démarche d’économie circulaire locale, en s’intégrant dans les flux de biomasse du territoire (biodéchets par exemple) et en assurant une bonne concertation avec tous les acteurs concernés afin de garantir l’acceptation du projet et ne pas entrer en concurrence avec d’autres usages jugés prioritaires.
  • Une stricte non-concurrence avec l’alimentation, en s’assurant que la méthanisation reste au service des systèmes de production auxquels elle s’adosse et permette, voire facilite leur transition agroécologique. Des cultures intermédiaires, dites “à vocation énergétique” (CIVE), peuvent aussi servir d’intrant tout en offrant une couverture des sols entre deux cultures principales. Pourvu que l’ensemble du système agricole soit bien pensé en conséquence, celles-ci permettent de maîtriser l’impact sur la production alimentaire et d’offrir des services agro-écologiques pertinents pour la protection du sol, de l’eau et de la biodiversité ;  
  • La valorisation agronomique des digestats, en les substituant aux engrais de synthèse lorsqu’ils s’adaptent aux besoins des sols et des plantes, à la suite de post-traitements adaptés si nécessaire ;
  • La maîtrise des risques de pollution des sols, de l’air et de l’eau ainsi que des impacts sur la biodiversité à travers une opération et des substrats de qualité, , et des modalités de stockage et d’épandage du digestat adaptées.
  • La maximisation de l’efficacité énergétique et la minimisation des émissions de gaz à effet de serre sur l’ensemble du processus.

     

Travailler avec les entreprises : les enjeux du déploiement de la méthanisation

Dans le cadre de partenariats avec les entreprises, le WWF France engage directement les acteurs économiques pour les accompagner dans l’élaboration et l’application de critères de durabilité robustes pour le développement de la méthanisation. Cette démarche vise en particulier à confronter nos travaux aux réalités du monde économique et à contribuer à un essor vertueux des énergies renouvelables, en apportant une vision la plus holistique possible des enjeux et difficultés auxquels ces secteurs doivent faire face - notamment en matière de préservation de la biodiversité.

En 2018, le WWF France a initié un partenariat avec GRDF, principal distributeur de gaz en France. Cette collaboration a amené, entre autres, à la définition d’un cadre de durabilité de la méthanisation agricole partiellement synthétisé dans la section précédente et détaillé dans un rapport publié en mars 2020 intitulé “méthanisation agricole, quelles conditions de durabilité de la filière en France ?”. Plus récemment, un point de situation a été réalisé en analysant les évolutions de la filière au regard des “quatres recommandations pour un passage à l’échelle soutenable” formulées dans le rapport précité. Cette étude a fait l’objet d’une publication en février 2024 (“durabilité de la méthanisation agricole : défis et opportunités”).

En parallèle, le WWF France a engagé fin 2022 une collaboration avec Air Liquide Biogas Solutions, une filiale du groupe Air Liquide dédiée à la production et valorisation de biométhane. L’objectif de cette coopération est de définir un cadre de durabilité pour la production de biométhane pour un acteur industriel, au-delà des cadres réglementaires existants. Pour cela, le WWF France et Air Liquide Biogas Solutions ont organisé des groupes de travail rassemblant plusieurs experts du secteur, afin d’établir des principes, des critères et un ensemble d’indicateurs permettant de cadrer et évaluer la durabilité des projets de l’entreprise. Les contours et les conclusions de ce projet sont accessibles sur un document de synthèse publié par Air Liquide.