Agriculture sous serre au Champ des possibles (Rouen)

États Généraux de l’Alimentation 2017

Les États Généraux de l’Alimentation (EGA) rassemblaient, pour la première fois, tous les acteurs concernés pour débattre de notre modèle agricole et alimentaire. Ils constituaient une occasion unique de repenser ce modèle et accélérer la transition vers des modes de production respectueux des ressources naturelles, des hommes et des animaux, capables de fournir une alimentation de qualité et en quantité suffisantes. Malheureusement, le bilan des Etats généraux de l’alimentation reste très mitigé. 

Clôture des Etats généraux de l'alimentation : le compte n'y est pas !

Le WWF exprime une très forte déception car le compte n’y est pas et en appelle au président de la République pour redresser la barre et opérer une sortie par le haut des États généraux de l'alimentation.

Alors que les attentes étaient très fortes, après quatre mois de dialogue, le bilan des Etats généraux de l’alimentation reste très mitigé : des travaux riches dans les ateliers avec souvent des recommandations ambitieuses mais un projet de loi déconnecté par rapport à la seconde phase des EGA, qui portait sur les attentes sociétales et environnementales, et qui n’intègre pas ces recommandations, des plans de filière élaborés sans aucun lien avec les travaux des ateliers, et des grands oubliés, tels que l’eau, le changement climatique et le foncier.

Les discours de clôture sont très décevants et très en-deçà des recommandations des ateliers. Même des objectifs consensuels dans les ateliers ne sont pas repris par le gouvernement comme les 30% de produits bio dans la restauration collective en 2022. Nous attendions des moyens législatifs, réglementaires, budgétaires et fiscaux et des plans d’action clairs pour sortir des pesticides, soutenir l’agriculture biologique ou lutter contre les contaminants chimiques et les perturbateurs endocriniens. Ces moyens ne sont pas au rendez-vous.

Au lieu de cela, nous avons, sur des objectifs pourtant phares et déjà annoncés depuis plusieurs mois, des annonces d'ordre méthodologique : des futurs plans (plan de sortie progressive des pesticides, plan bio...) avec à nouveau des consultations. Ce sont des annonces d'entrée d'EGA, pas des annonces de clôture. Alors que les parties prenantes ont réussi à trouver des consensus dans les ateliers, l'absence de Nicolas Hulot en cette journée de clôture montre que le gouvernement n'a pas su mener à bien ce travail de dialogue en son sein.

Pascal Canfin

Le projet de loi ne reflète pas les conclusions de la deuxième phase des Etats Généraux de l'Alimentation qui portait, rappelons-le, sur une « alimentation saine, sûre et durable ». Il n’est pas à la hauteur des enjeux auxquels nous sommes confrontés, qu’il s’agisse d’environnement ou de santé. 

Rappel du contexte

De juillet à fin novembre 2017, 14 ateliers réunissant chacun une soixantaine de représentants de différents collèges (acteurs économiques, citoyens, élus…) ont débattu des enjeux économiques, sanitaires, environnementaux, territoriaux et, plus stratégiquement, de la transition agricole et de la réorientation des aides publiques.

Pour le WWF, ces États Généraux devaient préparer l’avenir notamment sur les questions de santé et d’adaptation au changement climatique.

Une transition attendue par les Français !

87% des Français sont pour la réorientation des aides publiques vers des pratiques privilégiant une agriculture durable, selon le sondage IFOP/WWF du 10 octobre 2017.

Comme le révèle le sondage IFOP/WWF du 10 octobre 2017, cette transition est attendue par la société civile !

À titre d’exemple, 70% des Français disent avoir déjà adopté des habitudes de consommation plus durables ou sont prêts à aller plus loin !

Le WWF France, déjà engagé pour la promotion d’une agriculture et d’une alimentation durable au travers de son plaidoyer auprès du gouvernement et de ses partenariats avec le monde agricole ainsi qu’avec le secteur privé, se mobilise pour les EGA directement dans les ateliers, en agissant auprès des décideurs publics, et au sein de la Plateforme citoyenne pour une transition agricole et alimentaire.

Cette plateforme, qui rassemble pour la première fois plus de 50 organisations de la société civile (environnementale, agricole, santé, solidarité Nord / Sud…), a rendu publiques 63 mesures concrètes pour les EGA. Elle a aussi fait part, le 9 novembre, dans une lettre ouverte au président de la République de son mécontentement sur l’organisation et l’ambition des États Généraux.

Pousses de céleri au Champ des possibles, Rouen (France)

Les principales demandes du WWF

Anticiper et soutenir la transition

  • Établir une stratégie à long terme (10  ans minimum) pour chaque filière agricole qui prenne en compte la question de l’adaptation/atténuation au changement climatique, la préservation des ressources naturelles, la santé l’adaptation aux demandes des consommateurs et l’emploi.
  • Investir dans la transition agro-écologique en privilégiant les investissements qui renforcent l’adaptation de l’agriculture et des territoires au changement climatique, diminuent la pression sur les ressources naturelles, préservent la biodiversité et créent des emplois (5 Mds € sont prévus sur l’agriculture dans le cadre du plan d’investissement du gouvernement).

Aller vers une agriculture sans pesticides

  • Sortir des pesticides à l’horizon 2030 en renforçant les moyens du plan Ecophyto (-50% de pesticides en 2025) et éliminer les pesticides les plus dangereux d’ici 2022. Les alternatives existent (rotations plus longues, binage mécanique, etc.) et doivent être généralisées. Il conviendra cependant de prévoir un plan d’accompagnement pour les filières aval (stockage et transformation).
  • Améliorer l’étiquetage des produits : pour les produits issus de l’élevage, indiquer le mode d’élevage et la présence d’OGM dans l’alimentation des animaux. Prévoir un affichage spécifique sur les résidus de pesticides sur tous les produits. Reconnaître les maladies professionnelles liées aux pesticides en indemniser les victimes

Soutenir une alimentation plus saine

  • Atteindre 50% de produits durables (labellisés, locaux et de saison) dans la restauration collective d’ici 2022 dont 30% de produits bio.
  • Réviser le Plan National Nutrition Santé avec une réduction de la consommation de protéines animales recommandée (viandes, poissons)
  • Promouvoir des initiatives d’éducation à l’alimentation durable notamment dans les entreprises et les écoles.  

Préserver la biodiversité et les espaces agricoles

  • Établir un moratoire sur l’artificialisation des terres agricoles dès 2018. L’équivalent d’un département en surface de terres agricoles disparaît tous les 7 ans en raison de la progression des zones urbaines ou de projets d’infrastructures.
  • Mettre un terme à la déforestation importée (ex: importation de soja pour la fabrication de nourriture animale qui aura été récolté suite à de la déforestation ). L’Etat et les collectivités locales devront être exemplaires en la matière.  
  • Arrêter la destruction des prairies permanentes et favoriser les techniques agricoles permettant de stocker du carbone dans les sols (sans recours accru aux intrants chimiques).
Pousses de feuilles de chêne au Champ des possibles (Rouen)
Agriculture sous serre au Champ des possibles (Rouen)
Agriculture sous serre au Champ des possibles (Rouen)

Publications du WWF France

Le WWF France veut montrer tout au long des États Généraux qu’il est stratégique d’un point de vue environnemental mais aussi économique, social, sanitaire et politique d’enclencher la transition agricole et alimentaire.

Une étude, en partenariat avec le réseau CIVAM, démontre qu'il est possible pour les éleveurs laitiers de mieux vivre tout en préservant les ressources naturelles. Cette étude affirme également que pour le secteur laitier, les exploitations durables permettent de couvrir nos besoins alimentaires et de protéger l’environnement, tout en générant plus de revenus et en favorisant la création d’emplois.

Une étude, en partenariat avec ECO2 Initiative, démontre qu'il est possible de manger des produits plus sains et de meilleure qualité, issus notamment de l’agriculture biologique, tout en limitant notre impact sur la planète. L’étude a comparé le panier standard des Français avec un panier dit “flexitarien”, adapté à l’alimentation hebdomadaire d’une famille de 4 personnes (2 adultes et 2 enfants). Ce panier prend en compte trois critères de durabilité : le coût, l'impact carbone et la qualité nutritionnelle. 

Une rapport qui présente les 10 signaux démontrant que la transition agricole et alimentaire est déjà à l’œuvre. Les chiffres sont clairs et nous montrent qu’en France il y a une majorité culturelle composée d'agriculteurs, de consommateurs, de collectivités locales, de producteurs et d’entreprises qui mènent déjà à leur échelle la transition vers un nouveau modèle agricole et alimentaire. Si les Français y sont prêts, c’est maintenant aux politiques publiques d’encourager, et non freiner, cette transition à travers des engagements et des mesures concrètes.

    Infographie panier standard 10 novembre 2017
    Infographie panier flexitarien 10 novembre 2017

    Déplacez le curseur pour voir la différence entre le panier standard et le panier "flexitarien"

    Pour approfondir le sujet

    Le secteur agricole français fait face à des défis sur les plans environnemental (pollution des eaux, érosion des sols, perte de biodiversité), économique (le secteur est en crise), social (les agriculteurs ne vivent pas tous décemment de leur travail) et sanitaire (du fait de l'utilisation de pesticides). De plus, le système alimentaire mondial est dominé par l’agriculture productiviste et industrielle, générant une utilisation croissante de ressources naturelles et une production massive de déchets. Pourtant, des alternatives existent.

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