Passe Climatique, sortir de l'impasse écologique
On connaît désormais les 12 candidats à l’Elysée, la campagne présidentielle peut officiellement commencer. A quelques semaines du premier tour, le WWF appelle chacun d’entre eux à promettre qu’une fois élu, il soumettra l’ensemble de ses décisions à l’obtention d’un passe climatique.
Soumettre les politiques à un passe climatique
Le temps des belles déclarations à grand renfort de métaphores est révolu. Oui la maison brûle, ce qu’il faut, désormais, ce sont des moyens pour éteindre le feu !
Ce sont justement ces moyens qui ont manqué aux précédents présidents. Sans ambition claire, sans évaluation robuste et sans contrôle rigoureux de leurs décisions, les présidents successifs ont décidé, sans se soucier de leur l’impact sur le climat et sur la biodiversité : en 2019, seuls 3 % des articles de loi adoptés avaient été évalués sous l’angle de leur impact climatique. Idem si l’on se penche sur le budget de l’Etat : les dépenses publiques ne sont pas programmées pour soutenir la transition écologique. Pire, elles contribuent parfois à accélérer le réchauffement climatique et le déclin de la nature.
C’est pourquoi nous demandons aux candidates et candidats à l’élection présidentielle de s’engager à soumettre chacune des décisions prises pendant leur mandat à l’obtention d’un passe climatique. L’Etat a exigé des Français une discipline de fer pour faire face à la crise sanitaire. Nous exigeons du ou de la prochaine présidente une discipline de fer pour sortir de l’impasse écologique. Au nom de la protection des citoyens, nous entendons que l'exécutif se plie à ce geste barrière, ultime rempart contre la catastrophe environnementale qui frappe à nos portes.
Mode d’emploi
Le passe climatique ne s’appliquera pas aux citoyens, mais à toutes celles et tous ceux qui prennent des décisions politiques en France, c’est-à-dire, au chef de l’Etat, aux ministres, aux députés et aux sénateurs. Qu’il s’agisse d’une loi, d’une ordonnance, d’un décret, d’un arrêté ou encore d’une feuille de route stratégique, au cours du prochain quinquennat, chaque nouvelle décision devra être évaluée par une institution indépendante qui déterminera, à l’aide d’indicateurs fiables, si elle contribue bel et bien à faire progresser la France vers ses objectifs de réduction d’émissions de CO2 et de protection de la biodiversité.
Le principe :
- des objectifs affichés : des objectifs écologiques clairs et assortis d’échéances devront être définis au préalable. Certains existent déjà, comme la stratégie nationale bas carbone qui fixe la feuille de route de diminution des émissions de gaz à effet de serre sur laquelle la France s’est engagée. D’autres doivent être inventés ou précisés.
- des décisions évaluées : chaque projet de loi, chaque décision devra être évaluée pour savoir quel impact, positif, neutre ou négatif, son adoption créerait. Projet d’artificialisation, autorisation de pesticides ou choix énergétiques seraient donc mesurés, avant même d’être adoptés.
- un organisme indépendant pour contrôler : il s’agira de confier le rôle de “vigie climatique” à une organisation indépendante, c'est-à-dire capable de se montrer éventuellement critique vis-à-vis d’un projet de décision du gouvernement. Une institution comme le Haut conseil pour le climat pourrait être envisagée, à condition de renforcer ses moyens humains et financiers et de garantir son indépendance.
Le passe climatique fonctionnera comme un “laisser-passer”, véritable sésame, sans lequel toute proposition politique pourra se voir rejeter. D’abord pour offrir l’opportunité à ceux qui prennent formellement les décisions (le gouvernement, les députés, les sénateurs) d’en ajuster le contenu afin de garantir que cette décision est bien à la hauteur des objectifs écologiques, et de développer au cœur de notre démocratie un véritable “réflexe climatique”. Mais aussi pour permettre au juge, qui contrôle les décisions publiques une fois qu’elles ont été élaborées, de déclarer irrecevable une décision incompatible avec les objectifs de lutte contre le réchauffement climatique et de protection de la biodiversité.
Ecologie : les promesses non tenues
La crise écologique est là : le réchauffement climatique s’accentue, le déclin de la biodiversité s’accélère. Malgré un discours politique teinté de vert, les précédents présidents ne sont pas parvenus à réduire l’empreinte écologique de la France. Les objectifs écologiques qu’ils se sont fixés sont restés lettre morte, à l’image des engagements pris par notre pays pour réduire sa dépendance aux pesticides, pour déployer les énergies renouvelables, pour rénover les bâtiments mal isolés, pour multiplier les bornes de recharges électriques, pour améliorer la qualité de l’air, ou encore pour développer l’agroécologie et pour protéger les espèces.
Côté climat, l'hexagone n’a fait baisser ses émissions de gaz à effet de serre que de 1,2 % par an en moyenne depuis 2015, quand il aurait fallu aller beaucoup plus vite. Et le dernier rapport du GIEC nous confirme que la France ne sera pas épargnée par les conséquences du réchauffement climatique : inondations, sécheresses, canicules, baisse de rendement dans l’agriculture, prolifération d’algues toxiques et coupures d’approvisionnement en électricité risquent de rythmer notre quotidien.
De même, avec déjà 187 espèces disparues, la France fait partie des 10 pays qui abritent le plus d’espèces menacées sur son territoire.