Pérenniser le Parc national du Rwenzori au profit des populations riveraines
A la frontière entre l’Ouganda et la République démocratique du Congo, le Parc national des Montagnes du Rwenzori est un écosystème unique, classé au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1994. Mais il est aujourd’hui soumis à des pressions croissantes. Avec les communautés locales, nous avons initié un projet pilote de paiement environnemental afin de financer durablement la gestion de cet écosystème indispensable.
Un écosystème précieux
Un endémisme exceptionnel
Le Parc national des Montagnes du Rwenzori concentre pas moins de 12 espèces endémiques de mammifères dont le léopard de Rwenzori, le céphalophe rouge et le caméléon de Jackson.
Juché à 5109 mètres d’altitude, cet écosystème fait partie de la chaîne de montagnes des Virunga. Caractérisé par ses milieux très divers, le Parc national des Montagnes du Rwenzori abrite de nombreuses espèces comme le chimpanzé, le céphalophe rouge, l’éléphant des forêts ou le léopard du Rwenzori.
Sur ces 995 km² de superficie, on recense des forêts afromontanes, des pelouses afro-alpines, des zones humides, des glaciers ou encore 25 espèces endémiques de plantes et 18 espèces endémiques d’oiseaux. Au-delà de cette biodiversité unique, le parc fournit des services écosystémiques indispensables aux habitants de la région. Deux millions de personnes, ainsi que de nombreuses entreprises, sont directement dépendantes de la zone pour s’approvisionner en eau. La région constitue en effet un véritable château d’eau grâce à son glacier et aux rivières qui y prennent leur source.
Le Parc national des Montagnes du Rwenzori commence également à devenir une destination touristique. Mais cette activité demeure encore relativement confidentielle, elle peine à se développer en raison d’un déficit de publicité. Malgré l’incroyable richesse de sa biodiversité, le site n’est pas très connu.
Un parc sous pression
Un accroissement rapide de la population !
Dans les localités autour du parc le taux de croissance de la population est de 5% par an.
L’accroissement rapide de la pression démographique dans la région menace dangereusement les services écosystémiques rendus par le parc. Pour faire face à leurs besoins croissants, les 800 000 habitants de la zone environnante doivent étendre la surface des terres cultivables, s’approvisionner d’avantage en bois de chauffe et en sources de protéines. Malheureusement, pour ce faire, les populations ont recours à des pratiques non durables qui détériorent les sols et les écosystèmes locaux.
Ainsi, déboisements, défriches-brûlis et cultures en forte pente à proximité des cours d’eau entraînent une instabilité des berges pouvant provoquer des dégâts importants lors des crues et une érosion des sols, rendant ces derniers imperméables à l’eau de pluie et donc moins fertiles. De surcroît, la sédimentation des cours d’eau augmente et les services hydrologiques rendus par le parc (qualité et quantité d’eau disponibles) se dégradent. Premières impactées : les entreprises hydro-électriques en aval qui utilisent ces eaux pour leur production.
Le changement climatique perturbe également ces services hydrologiques, en réduisant les capacités de stockage hydrique des montagnes et en affectant la régularité du débit des rivières prenant leur source en haute altitude. Face à cela, le parc est confronté à de graves difficultés financières. Il manque ainsi cruellement de moyens pour remplir son objectif de conservation de la biodiversité et des services écosystémiques. En 2013, le déficit du parc s’élevait à 60%.
Financer durablement le Parc national du Rwenzori
La vraie innovation dans ce projet c'est l'idée de mobiliser le secteur privé. On va chercher l'argent des entreprises pour faire changer les pratiques des agriculteurs, c'est du jamais-vu !
Présent depuis plus de 35 ans en Ouganda, le WWF a pour objectif de mettre en place des mécanismes de financements durables pour le parc, dans une logique partenariale. Dans ce cadre, nous soutenons un projet de révision des textes de loi et de sensibilisation des décideurs sur les paiements pour services environnementaux (PSE). Nous avons d’ailleurs initié un dispositif pilote de paiement pour services hydrologiques (PSE Eau) dans la région du parc.
L’objectif ? Améliorer les pratiques agricoles via l'injection de fonds par le secteur privé afin qu’elles soient plus durables et qu’elles ne détériorent plus la qualité de l’eau des rivières, dont dépendent justement les entreprises locales.
C'est le nombre de fermiers qui ont été formés aux pratiques de l'agroforesterie et équipés pour la plantation d'arbres sur leurs parcelles.
A ce jour, 236 000 dollars US ont été investis par des entreprises hydroélectriques situées en aval du bassin versant qui souffraient de la sédimentation et du blocage de leurs turbines. 3000 fermiers ont été formés à l’amélioration de leurs pratiques, dont près de 50% de femmes. Au programme, techniques de terrassement (tranchées sommaires creusées dans la terre), d’agroforesterie (arbres fruitiers plantés autour des cultures) et de paillage (utilisation de matériaux organiques et minéraux pour recouvrir la terre). Ces pratiques contribuent à réduire la sédimentation et l’érosion des sols et ainsi à accroître la productivité des terres et les rendements des récoltes de café et de cultures vivrières.
1000 fermiers ont été recrutés et ont bénéficié gratuitement, en plus de leur formation, d’outils (pelles et bêches) et de plantules nécessaires à la plantation d’arbres pour permettre un mode d’exploitation agroforestier sur les 500 hectares couverts par le dispositif.
Afin de promouvoir les activités touristiques, un sentier de randonnée menant à un circuit d’observation des chimpanzés a été tracé dans le Parc. Un membre d’une association communautaire locale guide les visiteurs. Un pont facilitant l’accès au site a également été construit, ainsi qu’une buvette à proximité de l’entrée du parc, au sein de laquelle le café produit par l’association des 500 caféiers soutenus par le projet est vendu. Le nombre de touristes est passé de 2767 en 2010 à 4839 fin 2018.
Depuis, la santé du fleuve s’est améliorée, la production hydroélectrique n’est plus interrompue et les entreprises des alentours bénéficient des retombées économiques liées au développement du tourisme. Les fermiers, eux aussi, ont amélioré leurs rendements et donc leurs revenus. Tout le monde y gagne !