Nos rapports d’activité
Chaque année, nous publions un rapport annuel qui présente le bilan des activités du WWF France et notre engagement au service d'un monde où hommes et femmes vivent en harmonie avec la nature.
L’édito de Monique Barbut et Véronique Andrieux
Oui, la restauration a un prix, mais on estime qu’en moyenne, ses bénéfices sont dix fois supérieurs aux coûts engendrés. Finalement, à terme, l’inaction sera toujours plus onéreuse que l’action amorcée dès à présent…
Une nouvelle année s’achève, marquée par les conséquences de plus en plus visibles et dramatiques du bouleversement climatique. Comment oublier, en effet, les effroyables inondations qui ont frappé le Pakistan en juin 2022, causant la mort de plus de 1 700 personnes et d’innombrables dégâts matériels ? Après des records de chaleur flirtant avec les 50 °C, c’est le Canada qui s’est embrasé, début mai 2023. Les incendies ont ravagé plus de 14 millions d’hectares de forêt, l’équivalent de la superficie de la Grèce, contraignant des dizaines de milliers de résidents à quitter leurs foyers. Du côté de l’Hexagone, la sécheresse de 2022, probablement la plus sévère depuis au moins un demi-siècle, a conjugué faibles précipitations et températures records. Résultat : des incendies ravageurs, plusieurs communes approvisionnées en eau par camion-citerne, et des pertes de production dans différents départements.
Début juin, le rapport du Haut Conseil du climat nous a appris que nos écosystèmes, les forêts notamment, absorbaient deux fois moins de carbone aujourd’hui qu’il y a une décennie. En réduisant nos puits de carbone naturels, nous nous coupons d’un levier d’atténuation précieux et mettons à risque l’atteinte de nos objectifs : contenir le dérèglement climatique en dessous de 1,5°C. En effet, à ce jour, les solutions fondées sur la nature demeurent notre meilleur allié face à la crise climatique. Des terres et des océans en bon état écologique stockent et séquestrent les émissions de CO2 dans l’atmosphère et, selon le GIEC et l’IPBES, pourraient constituer jusqu’à un tiers des solutions d’atténuation.
Fort de cette conviction, le WWF a lancé le fonds Nature Impact, une nouvelle manière de financer la protection de nos forêts. Il s’agit avant tout de lever l’obstacle que peut parfois constituer pour les propriétaires le surcoût engendré par la protection de leurs parcelles ou le manque à gagner résultant d’une gestion durable. Comment ? En facilitant la prise en charge d’une partie des efforts de conservation par des entreprises sélectionnées pour leur engagement en matière de réduction des émissions. C’est le principe des projets de Paiement pour Services Écosystémiques, dit PSE. Nature Impact permet aux acteurs engagés, soucieux d’intégrité environnementale, de prendre part à des projets concrets aux bénéfices chiffrés et démontrés et de réaliser ainsi des contributions positives pour la nature aux côtés du WWF.
Oui, la restauration a un prix, mais on estime qu’en moyenne, ses bénéfices sont dix fois supérieurs aux coûts engendrés. Finalement, à terme, l’inaction sera toujours plus onéreuse que l’action amorcée dès à présent…
Au-delà des forêts, nous nous mobilisons pour restaurer d’autres milieux naturels, moins connus mais tout aussi essentiels. La posidonie, par exemple, cette plante aux longues feuilles en forme de ruban qui fleurit en Méditerranée, séquestre jusqu’à 5 à 8 fois plus de carbone à l’hectare qu’une forêt tropicale ! Malheureusement, les ancres des navires de plaisance ravagent ces précieuses prairies marines. Grâce à un projet de restauration passive, nous nous efforçons de favoriser leur repousse par la mise en place de mouillages sur bouées et de zones d’interdiction d’ancrage.
Nous menons aussi diverses actions pour la restauration des zones humides, notamment en Camargue et en Brenne : de la maîtrise foncière, au génie écologique, en passant par l’étude et la protection des espèces. Les zones humides, biotope le plus dégradé de France, sont encore trop souvent perçues comme de la « place perdue ». Et pourtant ! Tantôt décrites comme les « reins du paysage », pour les fonctions qu’elles remplissent dans le cycle de l’eau, et tantôt comme des « réservoirs biologiques », en raison de la diversité des espèces qu’elles abritent, la cistude, le butor étoilé ou la guifette moustac, entre autres, les zones humides comptent parmi les écosystèmes les plus productifs de la Terre.
À Montréal, des engagements forts ont été pris au mois de décembre, lors de la COP15 de la Convention sur la diversité biologique (CBD), parmi lesquels la protection de 30 % des terres et des mers, la restauration de 30 % des surfaces totales dégradées, l’augmentation des financements pour la biodiversité, ou encore la progressive élimination des subventions dommageables à la nature.
Il reste maintenant à les mettre en pratique au niveau des États, à commencer par la France. La nouvelle Stratégie nationale biodiversité, la révision du Plan stratégique national dès 2024, à travers la mise à jour des politiques sectorielles, notamment agricoles, ou encore l’examen du projet de loi des Finances seront autant d’opportunités pour notre pays de tenir ses promesses.
Plus de temps à perdre, l’urgence est là et les solutions existent : place aux actes !