A partir d’aujourd’hui, la France vit à crédit sur les autres pays pour assurer sa consommation de poisson
La France consomme bien plus de produits de la mer qu’elle ne peut en pêcher dans ses propres eaux métropolitaines. Aujourd’hui, lundi 30 mai est le jour à partir duquel la France reporte les impacts de sa consommation en produits de la mer sur les autres pays, notamment sur les pays les plus vulnérables, puisque ses ressources halieutiques ne lui suffisent plus.
Affichant une moyenne de 35kg par personne et par an (Source FAO), la France est le 5e pays européen consommant le plus de poisson, soit 1 fois et demi la moyenne européenne, juste derrière la Finlande (36 kilos), l’Espagne (42Kilos), la Lituanie (43Kilos) et le Portugal (57 Kilos).
À eux seuls ces 5 pays représentent 1/3 de la consommation de poissons de l’Union européenne. En raison de cette forte consommation, près de la moitié du poisson consommé dans ces pays de l’UE provient des eaux étrangères.
Il y a maintenant 7 ans que l’organisation New Economics Foundation (NEF) calcule les niveaux de «dépendance en produits de la mer» de l’Union européenne et de chacun de ses États membres (27 exactement, en excluant la Croatie par manque de données).
Les pays qui produisent autant ou plus qu’ils ne consomment sont considérés comme autonomes (Danemark, Finlande, Estonie et Ireland), ceux qui consomment plus qu’ils ne produisent sont considérés comme dépendants en poisson : ils sont tributaires des poissons provenant d’autres parties du monde afin de maintenir leur niveau de consommation. En tête de ces pays les plus dépendants en poisson : l’Autriche (19 janvier), la Slovénie (5 février), la Roumanie (22 février), la Belgique (23 février), la Lituanie (3 mars), l’Italie(3 avril), le Portugal (20 avril), l’Allemagne (2 mai), l’Espagne (10 Mai), Malte (24 mai), la République Tchèque (26 mai), la Pologne (26 mai) et, en 13eme position : la France. Le Fish Dependence Day de l’UE a été calculé quant à lui au 13 juillet.
« En moins de 6 mois, la France a déjà consommé l’équivalent de l’ensemble des ressources halieutiques qu’elle pouvait pêcher et élever dans ses eaux nationales métropolitaines. Actuellement la moitié des produits de la mer que nous consommons en France provient des pays en voie de développement. Par conséquent, les institutions, l’industrie et les consommateurs ont une grande responsabilité sur la durabilité des ressources et les conditions de vie des communautés de ces pays qui dépendent de la pêche. Ne reportons pas l’impact de notre consommation sur les plus vulnérables ! » appelle Isabelle Autissier, présidente du WWF France.
Au cours des trois dernières décennies, le Fish Dependence Day européen a inexorablement avancé. En effet, Aniol Esteban, directeur des programmes NEF indique qu’il y a trente ans, l’Europe pouvait se nourrir de poissons de ses propres eaux jusqu’en septembre voire jusqu’en octobre. Aujourd’hui, le Fish Dependence Day survient le 13 juillet au niveau européen. «La baisse de productivité de la pêche de la région a contraint les flottes européennes à pêcher dans des eaux plus lointaines et plus profondes. Les importations de poisson en provenance d’autres pays ont augmenté, affectant la durabilité des stocks mondiaux de poissons, et induisant également des impacts sociaux et économiques sur les pays qui ont beaucoup plus besoin de ces ressources que l’UE» explique-t-il.
Il y a cependant des raisons d’être optimiste. La consommation de poisson en Europe n’a pas augmenté autant qu’attendu depuis quelques années et certains stocks de poissons de l’Union européenne ont cessé de s’effondrer, notamment grâce aux mesures de redressement de certains stocks prises dans le cadre de la politique commune des pêches.
« Cela prouve que lorsque le problème est réellement pris en compte et que des actions de préservation des ressources halieutiques sont mises en place, cela porte ses fruits. En 2015, les indicateurs alertent sur une aggravation de la situation. Selon la Commission européenne, 48 % des stocks de poissons évalués en Atlantique Nord Est sont actuellement surexploités, un chiffre qui s’élève à 93 % en Méditerranée.
Aussi est-il important de rester vigilants et mobilisés, en luttant contre la surexploitation de nombreuses espèces et contre la pêche illégale dévastant également une partie de nos océans et imposant des conditions sanitaires et sociales déplorables » ajoute Pascal Canfin, directeur général du WWF France.
Les consommateurs ont également leur mot à dire. Afin de les alerter sur leur rôle, le WWF a lancé en 2015, le programme Fish Forward, sensibilisant les citoyens européens à l’impact de leur consommation sur les pays du Sud et recommandant notamment l’achat responsable de produits de la mer en favorisant par exemple les produits certifiés MSC ou ASC