Adoption de la loi énergie-climat : les députés y inscrivent l'urgence climatique et écologique sans y répondre
Le projet de loi énergie-climat vient d’être adopté par l’Assemblée nationale ce mercredi 11 septembre. Après les rapports scientifiques et les premières conclusions du Haut Conseil pour le climat, en pleine mobilisation de la société civile pour le climat, le WWF France espérait que le gouvernement et la majorité saisissent cette opportunité pour adopter des mesures sectorielles immédiates pour la transition écologique. Or, malgré des avancées concernant le reporting des institutions financières, l’accompagnement social de la transition énergétique ou encore le verdissement du budget, la nouvelle loi manque des mesures concrètes et d’échéances à court terme pour faire face à l’urgence écologique ainsi qu’au retard pris par la France vis-à-vis de ses propres objectifs climatiques.
Une ambition climatique pour la moitié du siècle, sans réponse à court terme pour avoir une chance de l’atteindre
La loi vient entériner l’ambition relevée de neutralité carbone d’ici la moitié du siècle, affichée depuis deux ans par le gouvernement, sans pour autant changer les points de passage à court et moyen terme pour avoir une chance de l’atteindre.
Également, l’objectif pour les énergies renouvelables timidement rehaussé (passant de 32% à “au moins 33%”) ne permet pas, en l’absence de mesures complémentaires et de soutien au secteur, d’apporter des garanties sur l’atteinte de cette ambition. La prochaine programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) sera ainsi décisive pour honorer cet engagement.
Autre opportunité manquée pour faire suite au grand débat et au besoin de construire une transition “juste” : l’interdiction progressive de mise en location des passoires thermiques - ces logements impossibles à chauffer en hiver ou à rafraîchir en été - a été rejetée par le gouvernement et la majorité.
Reporting des institutions financières, accompagnement social de la transition énergétique, verdissement du budget : quelques avancées à mettre en oeuvre
Du côté des avancées, le WWF France salue le renforcement des obligations en matière de transparence pour les acteurs financiers, prévues par l'article 173 qui les oblige à fournir aux épargnants une information claire et comparable sur l’impact de leur épargne sur l’environnement. Le texte étend également ces obligations aux enjeux de biodiversité, ce qui devrait permettre aux épargnants de recevoir des informations sur les impacts de leur épargne sur la biodiversité. Le WWF se réjouit se de cette avancée majeure qui suit la recommandation émise dans son rapport Into the Wild sur l’intégration de la nature dans les stratégies d’investissement.
Au départ totalement absent, l’enjeu de l’accompagnement social des emplois impactés par les fermetures à venir de centrales à charbon et centrales nucléaires a finalement émergé lors des débats. Si l’ensemble de la chaine d’emploi des centrales à charbon est pris en compte par ces mesures, ce n’est malheureusement pas le cas pour les centrales nucléaires. Le texte introduit des dispositifs de formation, dont les modalités de financement des dispositifs doivent être précisées. L’enjeu réside désormais dans la traduction budgétaire de ces dispositifs d’accompagnement dans le prochain projet de loi finances.
Enfin, le WWF France salue l’inclusion d’un article qui prévoit l’élaboration d’un rapport sur les impacts du projet de loi de finances 2020 sur le dérèglement climatique, première étape nécessaire vers la mise en œuvre d’un véritable “budget vert”, auquel la France s’est engagée. Le WWF France appelle à présent le gouvernement à réunir les dépenses fiscales et budgétaires favorables et défavorables pour l’environnement dans un seul et même document, et à en élargir le périmètre aux enjeux de protection de la biodiversité. L’adoption du projet de loi donnera lieu à la publication de plusieurs décrets d'application, notamment sur le reporting extra-financier des investisseurs, auquel le WWF France sera très attentif, ainsi qu’au décret sur la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE).
Le gouvernement est maintenant attendu dans la préparation du budget 2020 qui doit être pleinement mobilisé pour répondre aux manques de cette loi, notamment à travers la mobilisation des moyens et des leviers nécessaires à la rénovation, à la transition de nos mobilités ou encore au développement des énergies renouvelables. Le WWF France s’en remet également aux citoyens sélectionnés pour la convention citoyenne et espère que des idées concrètes émergeront pour aller plus loin dans la transition écologique juste de la France.
Pierre Cannet, co-directeur des programmes du WWF France par interim
« Le projet de loi énergie-climat, bien qu’enrichi par les parlementaires d’un objectif de neutralité carbone en 2050, fait l’impasse sur les mesures concrètes et structurelles nécessaires à court terme pour faire face à l’urgence écologique et climatique. A l'exception de quelques avancées sur le reporting des institutions financières, l’accompagnement professionnel de la transition énergétique dans certains secteurs ou encore le verdissement du budget, la loi ne permet pas d’accélérer la transition énergétique en France. Le WWF appelle le gouvernement à mobiliser lors de la préparation du prochain budget les ressources nécessaires pour pallier les manques de cette loi. »