Approvisionnement soja : les entreprises européennes manquent de transparence selon le scorecard 2016 du WWF
Acheteuses et consommatrices de soja, les entreprises européennes du secteur de l’élevage et de la production laitière font le minimum en matière de lutte contre la déforestation et de protection des savannes d’Amérique du Sud. A quelques jours de la 11ème assemblée générale de latable ronde sur le soja responsable (RTRS) qui se tiendra au Brésil, le WWF présente les résultats de l’édition 2016 de son scorecard soja.
Le scorecard soja du WWF a évalué 133 leaders européens de la distribution, de l’agroalimentaire, de la production agricole et de la transformation. Ces entreprises sont basées en Belgique, au Danemark, en Finlande, en France, aux Pays-Bas, en Pologne, en Suède, en Suisse et au Royaume-Uni.
Les critères de ce classement intègrent le niveau de transparencequant à leur utilisation du soja, l’approvisionnement en soja responsable et les efforts mis en œuvre en faveur de chaînes d’approvisionnement « Zéro déforestation ».
Seules 16 entreprises ont été identifiées comme les plus engagéesdans une transformation du marché vers des pratiques durables. « Le WWF se réjouit de voir au premier rang de ce classement, des entreprises prenant au sérieux le sujet du soja responsable et s’engageant dans de réelles initiatives pour avancer vers des modes de productions du soja plus soutenables, notamment dans le secteur de la distribution et de l’industrie laitière. », explique Sandra Mulder, en charge du programme de Transformation des Marchés au WWF Pays-Bas, « Mais il est clair que de nombreuses entreprises s’appuient sur le fait que les consommateurs n’ont pas conscience des impacts du soja sur l’environnement pour ne rien changer à leurs pratiques. Sur 133 sociétés approchées, 69, soit près de la moitié, ont ainsi choisi de ne pas répondre à l’appel de transparence du WWF pour cette édition ».
« La plupart des Européens ne savent pas qu’ils mangent, en moyenne, 61 kg de soja par an, principalement indirectement à travers la viande et les produits laitiers qu’ils consomment. Ils ne réalisent pas non plus les impacts que cela induit sur les écosystèmes en Amérique du Sud. Il est d’ailleurs très difficile pour eux d’obtenir la preuve que le soja qu’ils consomment ne provoque pas de déforestation » ajoute-t-elle.
Si le WWF salue les entreprises qui s’engagent réellement sur le sujet du soja responsable et les félicite pour leur classement dans ce nouveau scorecard soja, « nous déplorons cependant qu’autant d’entreprises du secteur ne reconnaissent pas leur responsabilité quant à leur utilisation de soja et les impacts dévastateurs que la culture non responsable du soja peut avoir sur les espèces et les communautés au sein d’écosystèmes précieux et vulnérables tels que l’Amazonie, le Cerrado, la Forêt Atlantique ou le Grand Chaco » précise toutefois Arnaud Gauffier, Responsable Agriculture et Alimentation du WWF France.
Au cours des dernières décennies, le soja a connu la plus grande expansion du secteur agricole. Or, sa culture met en danger l’habitat de nombreuses espèces menacées dans le Cerrado comme le jaguar, le loup à crinière et le fourmilier géant. Selon une récente étude réalisée par Agrosatélite, 2,9 millions d’hectares ont été convertis dans la région du Cerrado entre 2000 et 2014, en vue d’accroître le volume annuel des récoltes, notamment de soja.
Plus de la moitié du soja brésilien provient de cette région et, sur la même période, sa production y a connu une progression de 108%.
Il faut savoir que le Cerrado abrite 5% de la biodiversité mondiale et constitue une importante réserve eau pour le Brésil. « La région dispose encore de 15 millions d’hectares à l’état sauvage mais cette surface peut encore être menacée par de nouvelles conversions pour la culture du soja » précise Edegar de Oliveira Rosa, directeur du programme Agriculture et Environnement au WWF Brésil.
« Le WWF espère que ce scorecard soja aidera les entreprises européennes à prendre conscience du rôle qu’elles peuvent jouer pour stopper la conversion d’écosystèmes à haute valeur écologique comme le Cerrado, et les incitera à prendre des engagements zéro déforestation et zéro conversion dans leurs chaines d’approvisionnement ».
La principale cause de l’expansion du soja demeure la consommation de viande. Au niveau mondial, près de 75% du soja est utilisé pour l’alimentation animale. En Europe, cette proportion est encore plus grande, elle est estimée à 93%.
Le WWF appelle toutes les entreprises intégrées à quelque niveau de la filière soja :
- à plus de transparence en ce qui concerne leur réelle utilisation du soja
- à s’approvisionner en soja responsable, certifié RTRS ou Pro Terra
- à s’engager dans la lutte contre la déforestation et la conversion des terres
« Les grandes championnes françaises ont un rôle à jouer pour réduire les pressions exercées sur les écosystèmes. Certaines d’entre elles ont d’ores et déjà pris leur responsabilité et s’engagent dans des initiatives soja que nous saluons. Mais il faut, à présent que l’ensemble du secteur se joigne à la transformation du marché vers des pratiques plus soutenables. Nous appelons ainsi toutes les entreprises à prendre la mesure de la situation et à agir le plus rapidement possible » conclut Pascal Canfin, directeur général du WWF France.