COP24 : l’inaction n’est plus une option
A quelques jours de l’ouverture de la COP24, le WWF France fait le point sur les enjeux de cette conférence décisive pour parvenir à contenir le réchauffement climatique à 1,5°C.
Pour approfondir le sujet :
Levier d'action : transformer les marchés, Marche Climat, Objectif : Climat & Énergie, Transition énergétiqueAlors que l’ONU Environnement vient de révéler que les émissions mondiales de CO2 ont à nouveau augmenté en 2017 après trois années de stagnation, quelques semaines seulement après l’alerte lancée par le GIEC, la COP24, qui se tiendra du 2 au 14 décembre à Katowice en Pologne, doit absolument conduire les Etats à agir pour revoir à la hausse leurs engagements pris à la COP21.
Les négociations : définir les règles du jeu et revoir à la hausse les engagements
Comme l’a révélé hier l’ONU Environnement, les engagements de réduction des émissions pris par les Etats ne sont pas suffisants et nous conduisent à un réchauffement d’environ 3°C par rapport aux niveaux préindustriels. Les Etats doivent doubler, voire tripler, leurs engagements d’ici 2030 pour avoir une chance de contenir le réchauffement climatique respectivement à 2°C et 1,5°C.
Pour le WWF France, les principaux enjeux de cette COP24 sont à la fois la définition des règles d’application de l’Accord de Paris (règles de différenciation, contributions, révision et mise en œuvre des NDCIs) et la revue à la hausse de l’ambition climatique de la part des Etats. C’est donc non seulement l’application de l’Accord de Paris qui se joue, mais la crédibilité de son fonctionnement et la réelle possibilité de contenir le réchauffement planétaire à 1,5°C. Or, le GIEC a clairement illustré dans son rapport spécial les impacts que pourrait avoir ce demi degré en plus pour l’humanité et la nature.
Une autre question cruciale à laquelle devront répondre les Etats est celle de l’adaptation au changement climatique, avec notamment la nécessité de revoir à la hausse les financements, car les pays font d’ores et déjà face aux effets d’un réchauffement mondial moyen de 1°C.
Si la France a affirmé son leadership en matière de climat sur la scène internationale, elle peine en revanche à respecter ses engagements de réduction des émissions de gaz à effet de serre (qui ont dépassé en 2017 de 6,7% le seuil fixé par l’Etat) et à intégrer et mettre en œuvre les objectifs de l’Accord de Paris dans ses politiques climatiques et énergétiques, malgré un Plan Climat prometteur.
Les grandes orientations de la politique énergétique annoncées hier par le président de la République et le gouvernement révèlent encore une fois ce décalage entre la gravité du constat et l’absence de mesures concrètes pour y répondre.
Lutter contre le changement climatique, c’est agir pour la paix
Elévation du niveau de la mer, désertification, perte d'habitats naturels et d'espèces, diminution des calottes glaciaires, événements climatiques extrêmes : voici ce à quoi ressemblera un monde à +2°C, avec des impacts majeurs sur la santé, la croissance économique et la sécurité. Les questions climatiques et environnementales sont donc au coeur de la stabilité mondiale au XXIe siècle.
Pour mieux anticiper et prévenir ces conflits potentiels, le WWF France préconise dans son rapport Soutenabilité, Stabilité, Sécurité (3S) de stress-tester l’évolution de la conflictualité de certaines régions du monde (Sahel et Asie du Sud-Est notamment) dans l’hypothèse d’un réchauffement climatique de 1.5, 2, 3, ou 4 °C. Ces stress-tests peuvent permettre d’orienter au mieux les investissements d’adaptation dans les régions les plus vulnérables.
A l’occasion de la COP24, le WWF France publiera un premier travail prospectif sur le bassin du Lac Tchad pour illustrer les différents scénarios possibles d’évolution de la situation sécuritaire de la région.
S’appuyer sur la mobilisation des acteurs de la société civile
Le WWF France attend notamment que l’Union européenne fasse preuve de cohésion pour aligner son ambition avec l’Accord de Paris et que la France impulse cette action.
Face à l’urgence et à l’inaction des Etats, des milliers d’acteurs de la société civile ont déjà pris la mesure du défi qui nous attend et ont commencé à agir à leur niveau pour réduire leur impact sur la planète et sur le climat.
A ce jour, près de 500 entreprises implantées dans 39 pays, directement responsables d’un volume d’émissions de gaz à effet équivalent aux émissions annuelles de l’Allemagne, se sont engagées à travailler sur une réduction d’émissions de CO2 alignée avec l’Accord de Paris dans le cadre de l’initiative mondiale Science-based Targets (SBT) lancée au moment de la COP21 par plusieurs organisations dont le WWF. La France est le 4ème pays le plus représenté dans l’initiative avec une trentaine d’entreprises.
Les collectivités locales sont aussi en première ligne dans l’action climatique, comme la Métropole de Rouen Normandie qui, avec l’appui du WWF France, va conclure ce jeudi l’Accord de Rouen pour le climat, après un an de mobilisation des différents acteurs. Néanmoins, à l’heure de la révision de leurs Plans Climat, les collectivités doivent encore accélérer leurs efforts pour respecter les objectifs de l’Accord de Paris, comme l’a illustré le WWF France dans son étude Le défi climatique des villes.
Les citoyens de leur côté se mobilisent fortement sur ces enjeux avec une multiplication d’initiatives et d’appels. En pleine COP24, le 8 décembre prochain, les citoyens du monde entier se donneront rendez-vous dans plus de 140 villes pour faire entendre leur voix face à l’urgence climatique. Le WWF France rejoindra cette grande mobilisation avec ses bénévoles et sympathisants à Paris, Lille, Rouen et Montpellier.
Les Français sont aussi prêts à changer leurs modes de vie et à passer à l’action. Le WWF France a lancé il y a deux semaines l’application WAG - We Act for Good, un programme d’accompagnement au changement qui propose des actions concrètes aux citoyens qui souhaitent agir au quotidien, qui a déjà atteint plus de 100 000 téléchargements. Cette application permet à chacun de reprendre le pouvoir sur sa consommation grâce à des défis, conseils et astuces en matière d’alimentation, de transport, de zéro déchet, de Do It Yourself et d’énergie.
« Scientifiques, entreprises, citoyens, ONG : nous assistons à une mobilisation historique pour le climat. Or, face à ces appels et à l’urgence climatique, ce sont encore les petits pas en avant et en arrière d’une majorité d’Etats qui nous empêchent de passer à l’action et risquent de nous conduire dans les années à venir à une accélération du dérèglement climatique. L’inaction n’est plus option tant elle devient risquée. A la COP24, les Etats doivent prendre enfin leurs responsabilités et agir en connaissance de cause. »
Pierre Cannet, Responsable des programmes Climat Énergie et Villes durables au WWF France