COP28 : un tournant vers la fin des énergies fossiles
Après trente ans de négociations sur le climat sans mentionner les énergies fossiles, la COP28 de Dubaï lève aujourd’hui un tabou en appelant les pays du monde entier à se détourner des énergies fossiles. L’accord trouvé tard dans la nuit et adopté ce mercredi matin à Dubaï marque l’aboutissement d’une mobilisation inédite ralliée par une majorité de pays, des pays industrialisés aux petites îles menacées par la montée des eaux. S’il faut saluer ce tournant pris pour lutter contre le réchauffement climatique, il faudra aller plus loin en actant la sortie complète du pétrole, du gaz et du charbon.
Pour approfondir le sujet :
CPS’éloigner des énergies fossiles : la fin de 30 ans de tabou
Les plans climatiques présentés par les pays devraient diminuer les émissions de seulement 2% entre 2019 et 2030
Si l’accord de Paris a marqué une étape historique dans l’histoire de COP en engageant les Etats à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre pour contenir le réchauffement climatique en-deçà d’une hausse de 1,5°C par rapport aux niveaux pré-industriels, cet engagement n’était pas assez précis. A titre d’illustration, les plans climatiques présentés par les pays devraient diminuer les émissions de seulement 2% entre 2019 et 2030 quand elles devraient baisser de 45 %.
Alors que le charbon était pour la première fois mentionné par la COP26 de Glasgow, l’accord adopté ce jour à Dubaï après plusieurs jours de rebondissements et de tractations, appelle les pays à se détourner des énergies fossiles. A défaut d’acter la sortie complète du gaz du pétrole et du charbon, option longtemps restée sur la table des négociations et ardemment défendue par la société civile, cet accord engage un tournant mondial vers la fin des énergies fossiles, et appelle les pays de la planète à multiplier, par 3 d’ici 2030, la capacité installée d’énergies renouvelables.
Une liste de supercheries climatiques
L'accord adopté ce matin appelle pour la première fois les pays du monde entier à se détourner des énergies fossiles.
Si l’accord de Dubaï pointe enfin du doigt l’ensemble des énergies fossiles, responsables de 90% des émissions mondiales de CO2, il contient aussi de nombreuses mentions incompatibles avec une lutte efficace et rapide contre le réchauffement climatique. Sous l’influence des lobbys fossiles, qui n’ont jamais été aussi représentés dans une COP d’après les données disponibles (près de 2 500 lobbyistes étaient à la COP28, ils étaient déjà plus de 600 à la COP27), l’accord final évoque des technologies de capture et stockage de carbone qui n’ont pas été en mesure de prouver leur efficacité et qui risquent de détourner les efforts des entreprises et pays appelés à réduire rapidement leurs émissions. Pire, la mention des “énergies peu carbonées” recouvre une référence à peine masquée au gaz fossile, dont l’exploitation et le développement contribue activement au réchauffement climatique.
Arnaud Gilles, chargé de plaidoyer climat, énergie et diplomatie au WWF France : “Après 30 ans, un tabou est tombé : l'accord adopté ce matin appelle pour la première fois les pays du monde entier à se détourner des énergies fossiles. Mais il faudra aller plus loin en actant la sortie complète du pétrole, du gaz et du charbon. Et surtout il faudra se débarrasser des supercheries climatiques qui parasitent la lutte contre le réchauffement climatique, sous la pression des lobbys fossiles et de plusieurs pays. L'accord de Dubaï prévoit de nombreuses entorses au règlement, comme l'usage de technologies douteuses et des références aux "énergies peu carbonées" comme le gaz. La diplomatie n'en n'a pas fini avec la langue de bois, mais veut en finir avec les énergies fossiles.”
Des actions utiles pour mettre en oeuvre l’accord de Montréal sur la biodiversité
Les écosystèmes naturels constituent une aide beaucoup plus fiable que des technologies incertaines, pour absorber et stocker du CO2 de manière pérenne.
Comme le WWF n’a cessé de le rappeler tout au long des négociations, la nature est notre première alliée dans la lutte contre le réchauffement climatique. En effet, les écosystèmes naturels constituent une aide beaucoup plus fiable que des technologies incertaines, pour absorber et stocker du CO2 de manière pérenne.
L’accord de la COP28 souligne qu’il est urgent de protéger nos écosystèmes et fait référence à cet égard à l’accord mondial sur la biodiversité adopté à Montréal en décembre 2022, ce qui constitue un signal encourageant, la prochaine COP biodiversité ne se tenant qu’en 2024 et l’année 2023 ne devant absolument pas rester une “année à vide” pour la nature.
En parallèle des négociations, de premières actions utiles ont été engagées pour avancer dans la protection de la biodiversité : plusieurs partenariats financiers avec des pays forestiers ont ainsi été annoncés, à l’image du partenariat de 50 millions de dollars, soutenu par le WWF et destiné à aider la République du Congo à la préservation de la forêt du Bassin du Congo, la deuxième forêt tropicale mondiale en termes de superficie, la première en termes de séquestration nette de carbone. Par ailleurs, alors qu’a été annoncée la tenue d’un sommet mondial sur la protection de la ressource en eau en septembre 2024, le gouvernement français a apporté son soutien à la plus grande initiative mondial de protection des écosystèmes d’eau douce portée par le WWF sous le nom de “Freshwater Challenge”. Ces initiatives devront accélérer la restauration et la protection de la nature en vue de la COP16 dont la tenue a été confirmée en Colombie, fin 2024.