D’une Loi d’Orientation Agricole au vote d’une loi de désorientation environnementale
Alors que le vote solennel de l’Assemblée Nationale sur le projet de loi “Souveraineté en matière agricole et renouvellement des générations en agriculture” vient de se clôturer après deux semaines de débats, le WWF France déplore un texte qui introduit de graves reculs environnementaux et qui reste largement insuffisant pour adapter l’agriculture aux chocs actuels et à venir.
Sans une forte adaptation, les surcoût futurs liés au changement climatique pour les filières agricoles se chiffrent déjà à près de 3 milliards d’euros annuels.
Ce projet de loi consistait en effet une opportunité immense pour faire du renouvellement des générations l’occasion de contribuer à la transformation de l’agriculture, alors que la crise des agriculteurs avait mis en lumière les difficultés socio-économiques accrues du monde agricole face à l'intensité grandissante des crises climatiques. Ainsi, sans une forte adaptation, les surcoût futurs liés au changement climatique pour les filières agricoles se chiffrent déjà à près de 3 milliards d’euros annuels.
Au contraire, le texte retenu concentre ses seules ambitions environnementales à des formules incantatoires et lointaines, et l’une des rares avancées initiales pour renforcer l’accompagnement des nouveaux agriculteurs vers la transition agroécologique -le futur diagnostic “installation-transmission”- a été vidé de sa substance et rendu facultatif.
Il entérine en revanche des reculs environnementaux très concrets : au nom de la compétitivité, il a ainsi été adopté un assouplissement des sanctions contre les atteintes à la biodiversité, la création d’un régime de non-intentionnalité de ces atteintes et même une présomption de non-intentionnalité sur la destruction d’espèces protégées et d’habitats naturels, y compris en forêt.
Concernant les haies, la copie est insuffisante pour permettre la préservation du patrimoine existant, alors que nous savons que le déclin continue de s'accélérer et que miser sur la seule dynamique de plantation ne sera pas suffisant pour atteindre les objectifs de la planification écologique.
Les autres mesures de simplifications sont tout aussi inquiétantes, comme l’accélération et la sécurisation des projets agricoles, notamment pour le stockage de l’eau, sans poser les garde-fous nécessaires sur les objectifs de transition agro écologiques en lien avec ces ouvrages, les solutions fondées sur la nature pour favoriser l’adaptation, ou encore les enjeux d’alimentation durable auxquels devraient répondre les productions irriguées.
Nous appelons le Sénat à agir pour que la préservation de nos écosystèmes se conjugue avec nos objectifs de souveraineté, tant la nature est le meilleur allié de l’agriculture
Pour Jean Burkard, Directeur du plaidoyer au WWF France : “Ce qui devait être une loi d’orientation agricole s’apparente aujourd’hui à une loi de désorientation environnementale. A notre grand regret, ce projet de loi, qui consistait une opportunité immense pour favoriser le renouvellement des générations en agriculture et le renouvellement de ses pratiques, n’aura aucun effet pour enrayer la crise environnementale et climatique. Il n’offrira pas plus de perspectives d’avenir pour améliorer les conditions du monde agricole. Nous appelons le Sénat à agir pour que la préservation de nos écosystèmes se conjugue avec nos objectifs de souveraineté, tant la nature est le meilleur allié de l’agriculture”.