Face au mirage économique de la Montagne d’Or, un vrai projet de développement local et durable pour la Guyane !
Le WWF France présente aujourd’hui les résultats d’une étude portant sur le potentiel de développement économique durable de la Guyane et réalisée par le cabinet de conseil Deloitte Développement Durable.
La Guyane doit relever un triple défi : démographique, socioéconomique et environnemental.
Alors que le projet Montagne d’Or est massivement critiqué depuis plusieurs mois, ce rapport nous apprend que le secteur extractif est le secteur marchand disposant des plus faibles effets d’entraînement sur le reste de l’économie guyanaise. Au contraire, l’étude identifie plusieurs secteurs porteurs localement et créateurs d’emplois.
La Guyane doit relever un triple défi démographique, socioéconomique et environnemental. Afin d’identifier les conditions d’inscription de ce territoire sur une trajectoire de développement durable, le WWF France a demandé au cabinet de conseil Deloitte Développement Durable de mener une étude analysant le contexte économique guyanais et évaluant les opportunités et conditions de développement de filières stratégiques pour ce territoire.
Miser sur l’agriculture plutôt que sur l’extractif
Le secteur extractif est le secteur marchand qui dispose des plus faibles effets d’entraînement sur le reste de l’économie locale.
Deloitte Développement Durable a d’abord procédé à une étude intersectorielle du tissu économique guyanais afin de faire ressortir les secteurs d’activité à forts et faibles effets d'entraînement sur l’économie locale. Si le minier artisanal est déjà une réalité en Guyane, la question se pose du développement du minier industriel et cette étude montre sa non-pertinence économique.
En effet, les résultats de cette modélisation montrent que le secteur extractif est le secteur marchand qui dispose des plus faibles effets d’entraînement sur le reste de l’économie locale, notamment parce que ce secteur importe à hauteur d’environ 75 % les biens et services dont il a besoin pour produire, au lieu de les acheter à l’économie locale.
Ainsi, lorsque le secteur extractif augmente sa production de 100 euros, seuls 7,5 € vont à l’économie locale alors que, comparativement, les secteurs de l’agriculture et de la pêche achètent 33 € de biens et services au reste de l’économie, le secteur du bois 32 € et le secteur audiovisuel 24 €.
L’étude fait ainsi ressortir 10 secteurs à forts effets d'entraînement dont le développement pourrait permettre de répondre aux besoins du territoire : agriculture et élevage ; pêche ; agroalimentaire ; bois ; tourisme ; énergies renouvelables ; gestion des déchets ; construction ; audiovisuel ; économie de la connaissance.
Les conditions de développement des 10 filières prioritaires
Une augmentation de la production de 10 millions d’euros dans le secteur de l’agriculture générerait 8,5 millions d’euros de valeur ajoutée et créerait 128 emplois.
Pour dépasser la simple mise en évidence des secteurs porteurs, l’étude propose des actions à mener pour amorcer le décollage de ces secteurs. Grâce à l’examen de rapports publics et à de nombreux entretiens avec les acteurs locaux, Deloitte Développement Durable a pu identifier les opportunités et freins par filière et présente dans ce rapport plusieurs pistes de réflexion opérationnelles pour chaque secteur.
L’étude modélise également les conséquences économiques d’une augmentation de la production de chaque secteur. Cela nous apprend par exemple qu’une augmentation de la production de 10 millions d’euros dans le secteur de l’agriculture générerait 8,5 millions d’euros de valeur ajoutée et créerait 128 emplois.
Des scénarios de “choc économique” répondant aux besoins du territoire
C'est le nombre nécessaire d'emplois à créer en Guyane par an à horizon 2022 pour empêcher une montée du chômage d'après l'INSEE.
En tenant compte des résultats de l’analyse intersectorielle, Deloitte Développement Durable a étudié plusieurs scénarios de développement économique susceptibles de répondre aux enjeux démographiques et aux besoins de création d’emplois.
Un premier scénario s’appuie sur une projection de l’Insee estimant le besoin de création d’emplois en Guyane à 2000 par an à horizon 2022 (afin que le chômage n’augmente pas proportionnellement). Ce scénario pourrait être satisfait par une augmentation cumulée de la production des dix filières prioritaires de l’ordre de 163 millions d’euros par an (un objectif réaliste). Cela permettrait de créer 78,8 millions d’euros de valeur ajoutée pour l’ensemble de l’économie et 2 360 emplois.
Un deuxième scénario s’aligne sur l’objectif de la France (7% de chômage dans la population active). D’après l’étude, cela nécessiterait une augmentation de la production dans les 10 filières identifiées de 270 millions d'euros par an (objectif plus ambitieux mais considéré accessible par Deloitte Développement Durable). Cette augmentation générerait plus de 4 020 emplois et 130 millions d'euros de valeur ajoutée supplémentaire pour l'ensemble de l'économie.
L’étude confirme que le secteur extractif est celui qui profite le moins à l’économie locale, contrairement à d’autres secteurs comme l’agriculture, la pêche ou encore le tourisme.
Abandonner Montagne d’Or pour se tourner vers un vrai développement local
La faiblesse des retombées économiques du projet Montagne d’Or était fortement critiquée depuis plusieurs mois par les habitants et représentants guyanais.
Le projet Montagne d’Or, aberrant écologiquement, inopportun économiquement et clivant socialement, concentre les critiques depuis plusieurs mois. Il est temps d’acter l’abandon de ce projet et de fédérer les énergies vers la construction et l’animation d’un projet de développement véritablement durable et local.
“Nous espérons que le gouvernement fera le bon choix pour la Guyane : tourner le dos aux industries polluantes du passé et accompagner le développement des filières locales afin d’impulser le choc économique attendu par ce territoire.”
Pascal Canfin, Directeur général du WWF France