Hydrogène : le vrai du faux du WWF
Alors que le Sénat débat cette semaine de la loi d’industrie verte et que le gouvernement français prépare la future programmation pluriannuelle de l’énergie, l’hydrogène est invoqué partout comme une solution miracle, sans précisions sur ses modes de production, son utilisation ou les conditions de son implantation sur le territoire français. Dans un rapport publié ce 19 juin, le WWF appelle le gouvernement français à faire le tri en priorisant les usages et les modes de production qui serviront la transition et la souveraineté énergétiques de la France. Pour bâtir une filière française compétitive et dimensionnée pour nos besoins, le WWF appelle le gouvernement et le Parlement à créer sans attendre des dispositifs de soutien public à la production et à l’utilisation strictement réservés à l’hydrogène renouvelable et durable.
Pour approfondir le sujet :
CPNe pas développer l’hydrogène tous azimuts
L’hydrogène est un vecteur énergétique capable du meilleur comme du pire.
Souvent évoqué comme une solution miracle pour la transition énergétique et promis à une grande diversité d’usages technologiques et industriels plus ou moins matures, l’hydrogène est un vecteur énergétique capable du meilleur comme du pire. Parmi les nombreux usages relevés dans cette étude, le WWF préconise de désinvestir immédiatement les activités industrielles incompatibles avec les objectifs climatiques de la France, telles que le raffinage du produits pétroliers ou la production d’engrais chimiques.
De même, le WWF appelle le gouvernement à désinvestir les usages encore coûteux et risqués de l’hydrogène tels que le chauffage ou la voiture individuelle, qui risquent de détourner la France des solutions plus efficaces et plus immédiates pour sortir de sa dépendance aux énergies fossiles. A titre d’exemple, la rénovation énergétique des bâtiments et les pompes à chaleur sont jusqu’à 7 fois plus performants que les chaudières à hydrogène.
De l’hydrogène pour l’industrie d’avenir, les transports lourds et le stockage d’électricité
En complément des efforts de sobriété et d’efficacité qui permettront à la France de réduire sa demande en énergie, le WWF appelle le gouvernement français à recentrer dès à présent l’usage de l’hydrogène sur les activités industrielles compatibles avec la transition écologique - telles que la métallurgie, la sidérurgie, la céramique et le verre - et qui ne seront pas facilement electrifiables. A moyen terme, l’hydrogène renouvelable pourrait aussi être utilisé pour décarboner les transports lourds (fret routier, maritime et aérien) pour lesquels la batterie électrique n’est pas mature ou comme solution de stockage d’énergie à l’horizon 2030-2035 pour répondre aux besoins de flexibilité face à la demande croissante d’électricité.
Verdir la production et préserver la ressource en eau
Plus de 95 % de l’hydrogène produit en France l’est encore à partir des énergies fossiles.
Plus de 95 % de l’hydrogène produit en France l’est encore à partir des énergies fossiles. Le WWF appelle le gouvernement à développer l’offre d’hydrogène produit par électrolyse de l’eau à partir d’électricité issue des énergies renouvelables. Il faudra pour se faire accélérer sur le champ l’installation des énergies renouvelables, comme l’y engage la loi adoptée début 2023.
Dans un contexte de tensions croissantes sur la ressource en eau et de tensions attendues sur le réseau électrique avec l’électrification massive des usages pour sortir la France des fossiles, le gouvernement devra s’en tenir strictement aux besoins identifiés pour la transition énergétique, pour définir le volume d’hydrogène renouvelable à produire en France.
Besoin de soutiens publics ciblés pour bâtir une filière française compétitive
Si la loi industrie verte entend financer l’installation d’une industrie verte en France en mobilisant l’épargne des français, aucun dispositif n’est encore prévu pour soutenir la production française d’hydrogène à grande échelle et à coût réduit. Pour y parvenir, le WWF appelle le gouvernement et le Parlement à prévoir un double dispositif : un “complément de rémunération” pour soutenir la production, booster son volume et réduire le coût de production, et “une prime à l’utilisation durable” pour encourager les industries d’avenir à utiliser l’hydrogène renouvelable quand il contribue à décarboner leurs activités.
En pleine préparation de la programmation énergétique de la France et d’une nouvelle stratégie française pour l’hydrogène, ce rapport doit servir de boussole au gouvernement pour éviter les détours et aller droit au but dans la conduite de la transition énergétique en France.
Il faut créer sans tarder des mécanismes de soutien public sur mesure, à commencer par un complément de rémunération réservé à l‘hydrogène vert.
"L'hydrogène est souvent présenté comme une solution miracle, il est en réalité capable du meilleur comme du pire. À vouloir le développer tous azimuts, on risque d'entretenir l'industrie française dans une trappe à fossiles, ou encore de détourner les bâtiments et les transports de solutions bien plus efficaces comme les pompes à chaleur ou les voitures électriques. Au moment où se discute la loi industrie verte et la future programmation énergétique de la France, le WWF appelle le gouvernement français à faire le tri pour développer l’hydrogène là où il servira réellement la transition énergétique. Il faudra aussi verdir la production : on ne sera pas bien avancés si l'hydrogène continue d'être produit comme aujourd’hui à partir d'énergie fossiles. Il faut créer sans tarder des mécanismes de soutien public sur mesure, à commencer par un complément de rémunération réservé à l‘hydrogène vert."