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31. juillet 2020 — Communiqué de presse

La certification accordée prématurément par le MSC à une pêcherie de thon rouge constitue un dangereux précédent

Le Marine Stewardship Council (MSC) vient d’annoncer la certification d’une pêcherie de thon rouge de l’Atlantique, tout en reconnaissant qu’il faudra encore au moins cinq ans pour que cette espèce retrouve des niveaux de biomasse satisfaisants au regard de la durabilité du stock. Le WWF tient à exprimer son opposition à cette certification qui pourrait compromettre la pleine reconstitution du stock d’une des espèces les plus chères sur le marché mondial des produits de la mer.

« Cette certification est l’illustration alarmante du fait que le MSC est devenu un label répondant plus à la demande du secteur de la pêche qu’à des preuves scientifiques de durabilité. »

À l’issue d’une phase de consultation qui a duré deux ans, au cours de laquelle le WWF a déposé une objection, l’organe décisionnaire du MSC n’a pas retenu les objections formulées et a certifié une pêcherie japonaise de thon rouge. Toutefois, grâce aux preuves scientifiques apportées par le WWF, la certification est assortie d’une condition : en 2025, la pêcherie bénéficiaire devra prouver que le stock a atteint à des niveaux durables. Cette clause suspensive confirme les préoccupations du WWF sur le caractère prématuré de cette certification, qui pourrait mettre en péril le rétablissement du thon rouge attendu depuis si longtemps.

« Certifier aujourd’hui et viser la durabilité en 2025 : on est très loin des standards rigoureux qu’on serait en droit d’attendre quand il s’agit de certifier l’une des espèces les plus chères sur le marché mondial, une espèce qui a été exploitée jusqu’à la limite de l’effondrement par le passé. Cette certification est l’illustration alarmante du fait que le MSC est devenu un label répondant plus à la demande du secteur de la pêche qu’à des preuves scientifiques de durabilité. Les consommateurs japonais se verront proposer du thon rouge certifié MSC qui n’est pas durable. Et on sait déjà qu’une pêcherie française est également sur les rangs pour obtenir le label. On est face à une tendance dangereuse, , susceptible de menacer le rétablissement complet du thon rouge et les perspectives de restauration de l’état des océans d’ici à 2030. »

Giuseppe Di Carlo, Directeur de l’Initiative Marine Méditerranéenne du WWF

Le WWF et d’autres ONG avaient présenté de solides arguments scientifiques prouvant que le stock n’est pas encore exploité à des niveaux durables. Control Union Pesca, l’organe de contrôle et de conformité pour cette certification, a pris des libertés avec la science, surestimant ainsi la durabilité du stock de thon rouge (1er principe de la certification MSC), ce qui a permis l’attribution de la certification à la pêcherie. En outre, le WWF a pu prouver que l’organe de contrôle et de conformité a fait preuve d’un dangereux manque d’impartialité vis-à-vis du client demandeur, ce qui a faussé l’évaluation.

Le WWF suit attentivement la demande de certification déposée par un groupement de pêcheurs français.

Thon rouge de l'Atlantique (Thunnus thynnus) au large de Malte

« Le WWF ne recommandera pas l’achat de thon rouge certifié MSC. »

Depuis plusieurs années, le WWF exprime sa conviction qu’il est nécessaire de réformer les standards et procédures du MSC, et le résultat de cette objection vient conforter cette position. 

Les océans du monde étant soumis à une pression croissante, le MSC doit veiller à ce que ses standards prennent en compte les connaissances scientifiques les plus récentes et les meilleures pratiques. Plus précisément, le WWF plaide pour que les instances chargées de l’instruction des demandes de certification procèdent à une évaluation impartiale et objective, indépendante de leurs clients. Ces instances doivent utiliser des données scientifiques fiables et pouvoir justifier chaque élément constitutif de leur décision. Et si elles sont confrontées à des données lacunaires, elles doivent impérativement appliquer le principe de précaution. Malheureusement, le cas du thon rouge montre que nous en sommes très loin.

En outre, la procédure d’objection doit prévoir la possibilité de recourir à un avis scientifique extérieur en cas de controverse manifeste et/ou d’analyse(s) scientifique(s) divergente(s).

« Les consommateurs et les détaillants doivent pouvoir faire confiance au label MSC. Malheureusement, nous sommes obligés de remettre en question la pertinence de ce label pour un nombre croissant de pêcheries ; et maintenant cela concerne même le thon rouge. Nous avons participé pendant deux ans à un processus visant à renforcer les mécanismes de garantie du MSC et à l’aider à tenir de manière fiable et cohérente sa promesse de fournir des produits de la mer provenant de stocks en bonne santé et d’un environnement marin sain. Nous sommes déçus du résultat final. Le WWF ne recommandera pas l’achat de thon rouge certifié MSC. »

John Tanzer, responsable océans au WWF International