Le parlement européen adopte la loi sur la restauration de la nature après l’avoir fortement affaiblie
Aujourd'hui, le Parlement européen a voté en faveur de la loi sur la restauration de la nature et du Green Deal européen, malgré une campagne de désinformation sans précédent - souvent confinant à l'absurde - visant à les détruire en agitant notamment la peur - infondée - de la sécurité alimentaire.
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CPLe risque d'un rejet était réel
La loi survit à 7 voix près, les négociations peuvent continuer. Mais cette victoire a un coût très élevé : pour parvenir à un compromis, les députés européens ont sacrifié de nombreuses obligations et objectifs essentiels, vidant en partie de son contenu la proposition initiale de la Commission européenne. Ils tournent ainsi le dos à l'urgence écologique provoquée par les crises interdépendantes du climat et de la biodiversité.
En particulier, la position du Parlement a supprimé l'article proposé sur la restauration des terres agricoles, qui inclut le rétablissement des populations d’oiseaux des champs ou encore la restauration des tourbières, renonçant ainsi à un levier essentiel pour accroître la capacité de l'Europe à séquestrer le carbone et à s'attaquer à l'agriculture industrielle, principal moteur de la perte de biodiversité. Concernant la restauration des habitats terrestres remarquables, il l’a restreinte aux seules zones Natura 2000 et a supprimé tous les objectifs datés. Concernant les habitats qui ne sont pas dégradés, il a supprimé le principe de non-détérioration : ainsi pendant qu’on mobilisera des moyens pour restaurer les habitats dégradés, on pourra détériorer ceux qui sont en bonne santé… le contribuable appréciera.
Le texte garde toutefois l’objectif principal de mise en place des mesures de restauration sur 20% des terres et 20% des mers européennes, d'ici à 2030.
En outre, le Parlement a adopté un amendement qui reporte la mise en œuvre de la loi jusqu'à ce qu'une évaluation de son impact sur la sécurité alimentaire de l'Europe ait été réalisée - répondant ainsi à la campagne alarmiste qui a été menée alors que plus de 6000 scientifiques ont montré que cet argument était infondé et qu’au contraire la sécurité alimentaire passait par la restauration de la nature. Un autre élément d'affaiblissement est la suppression de l'article garantissant le droit fondamental d'accès à la justice, ce qui risque d'accroître les violations de la Convention d'Aarhus et de créer des conditions de concurrence inégales entre les États membres.
Le texte contient de nombreuses autres dérogations et exemptions. Il garde toutefois l’objectif principal d’avoir mis en place d’ici 2030 des mesures de restauration sur 20% des terres et 20% des mers européennes. Enfin, les parlementaires ont ajouté l’obligation d’une évaluation sur les financements nécessaires pour la mise en oeuvre de cette loi - une demande de financement que porte aussi le WWF.
Véronique Andrieux, directrice générale du WWF France
Malgré une campagne de désinformation agitant des risques pour la sécurité alimentaire, le parlement européen a finalement adopté la loi sur la restauration de la nature.
"Cette proposition de loi est essentielle pour notre avenir puisqu’elle vise à rétablir la nature en Europe, lutter contre le changement climatique et adapter l’Europe aux effets de celui-ci. Car la nature est notre meilleure alliée face aux chocs climatiques. L’avenir des agriculteurs, pêcheurs, forestiers et des entreprises mais aussi de nous tous en dépend.
Toutefois, cette victoire a un coût très élevé : un très fort affaiblissement du texte qui n’est pas à la hauteur de l’urgence écologique et de ce que nous dit la science, avec notamment la suppression de tout l’article sur la restauration des écosystèmes agricoles, levier pourtant essentiel pour lutter contre la perte de biodiversité et accroître la séquestration du carbone. Nous appelons maintenant le Parlement, le Conseil et la Commission à relever l’ambition et à adopter rapidement une loi plus robuste.”
Sabien Leemans, responsable de la politique de la biodiversité au Bureau des politiques européennes du WWF
La loi sur la restauration de la nature est devenue un symbole de l'avenir du Green Deal européen.
"Ce vote permet de poursuivre l’action pour sauver la biodiversité et faire face au changement climatique. C'est grâce au soutien massif du public, de la communauté scientifique et des entreprises progressistes qu'une majorité d'eurodéputés a voté en faveur de la loi. Néanmoins, la victoire d'aujourd'hui a coûté très cher. Malgré une mobilisation sans précédent pour sauver la nature en Europe, la position du Parlement est loin de ce que la science nous dit être nécessaire pour lutter contre la perte de la nature et le changement climatique."
Le vote a fait suite à une forte mobilisation publique pour défendre la loi et l'intégrité du Green Deal et couper court aux fake news, avec plus d'un million de signatures et de messages de citoyens envoyés aux eurodéputés, des appels répétés de plus de 6 000 scientifiques, de plus de 110 entreprises, d’autorités religieuses et d’organisations agricoles.
Nous appelons maintenant toutes les institutions de l'UE à faire un usage constructif des négociations du trilogue afin d’adopter une loi qui soit à même de répondre le plus possible à l'urgence mondiale en matière de climat et de biodiversité.