Les dirigeants européens scellent un accord historique pour stopper la déforestation
C’est historique : l’Union européenne n'autorisera plus la vente sur son marché de produits liés à la destruction des forêts. Il y a quelques heures, les décideurs européens ont conclu les négociations pour une loi européenne sur la déforestation, parvenant à un accord sans précédent. Ce règlement est le premier au monde à s'attaquer à la déforestation mondiale et réduira considérablement l'empreinte de l'Union européenne sur la nature. Malgré l’exclusion du texte d’éléments essentiels, c’est une victoire importante pour la campagne #Together4Forests menée par le WWF, qui a rassemblé plus de 210 ONG depuis plus de deux ans.
Pour approfondir le sujet :
CP“Avec ce règlement, l’Union européenne, en tant que bloc commercial majeur, change les règles du jeu et tire les standards environnementaux vers le haut.”
“Depuis plus de deux ans, le WWF s’est mobilisé au sein de la campagne #Together4Forests pour réclamer une loi à la hauteur de l’urgence. En effet, l’Union européenne a une responsabilité particulière dans la déforestation, avec 16% de nos importations responsables de la destruction des forêts. Aujourd’hui, même si la loi manque de certains éléments essentiels, elle n’en reste pas moins historique. Avec ce règlement, l’Union européenne, en tant que bloc commercial majeur, change les règles du jeu et tire les standards environnementaux vers le haut.”
Une loi ambitieuse pour répondre à l’urgence
Avec cette loi, les consommateurs européens seront assurés que les produits qu’ils consomment ne sont pas issus de la déforestation, grâce à un système de traçabilité qui remontera jusqu’à la parcelle de production. Les négociateurs ont également convenu de maintenir un haut niveau d’ambition sur les points suivants :
- Un champ d’application large : la loi couvrira un large éventail de produits, notamment le soja, l'huile de palme, le bœuf et le café, les produits du bois comme les produits imprimés, ainsi que le caoutchouc.
- Une loi au-delà des règles nationales : pour entrer sur le marché européen, les produits devront non seulement être légaux selon les normes du pays producteur, mais aussi exempts de déforestation et de dégradation des forêts.
- Des sanctions : des contrôles annuels seront inclus pour vérifier si les entreprises et les produits respectent la législation. Les sanctions devront couvrir au moins 4 % du chiffre d'affaires d'une entreprise dans l’UE.
Mais des opportunités manquées
Pourtant, malgré une mobilisation record des citoyens et de la société civile les décideurs européens ont décidé d’exclure quelques éléments essentiels, et manqué l’opportunité de renforcer encore ce texte :
- L’inclusion des autres terres boisées : les négociateurs ont décidé de ne pas soutenir la proposition du Parlement d'étendre le champ d'application à d'autres terres boisées telles que les savanes, comme le Cerrado, malgré l'immense pression qu’elles subissent déjà à cause de l’agriculture. Ces écosystèmes sont pourtant clés pour le climat, la biodiversité et les communautés locales qui en dépendent. En guise de compromis, la Commission réalisera une étude d'impact sur la possibilité d'inclure d'autres écosystèmes naturels et examinera cette option un an après la mise en œuvre de la loi. De plus, les négociateurs ont convenu de fixer la “cut-off date” au 31 décembre 2020.
- L’intégration des droits humains : le texte ne mentionne pas la reconnaissance claire des droits humains, en particulier des peuples autochtones et des communautés locales. Concrètement, aucune référence n’est faite aux conventions internationales pertinentes. Le texte actuel limite la portée des droits humains aux lois nationales : cela signifie que si certains droits des communautés locales ne sont pas reflétés dans la législation nationale, ils ne seront pas non plus protégés par le droit européen.
- La définition de dégradation des forêts : dans le texte, la dégradation des forêts couvre la conversion des forêts primaires et nouvellement régénérées en forêts de plantation. Ce qui n’est pas assez ambitieux, car n’implique pas la dégradation d’une forêt existante.
“On se sera battu jusqu'au bout pour que ces écosystèmes soient bien intégrés au règlement.”
“Malgré une mobilisation de la société civile et un signal fort de la France qui a défendu cette position en dernière ligne droite, quelques Etats membres se sont opposés à l’intégration des autres terres boisées dans le texte. Cela nous aurait permis d'aller encore plus loin afin d'écarter les produits issus de la destruction de savanes, comme dans le Cerrado. On se sera battu jusqu'au bout pour que ces écosystèmes soient bien intégrés au règlement. Avec le compromis décroché hier, la bataille n'est pas perdue ! Nous appelons la Commission européenne à lancer son travail sur l'étude d'impact dès maintenant afin d'avoir une chance d'apporter ces améliorations d'ici un an maximum après la mise en place de la loi.”
Prochaines étapes
Maintenant que les principales pierres angulaires de la nouvelle loi ont été convenues, les négociateurs se réuniront dans les semaines à venir pour régler les quelques détails restants et finaliser le texte.
Une mobilisation depuis plus de deux ans
Depuis 2020, le WWF s’est mobilisé au sein de la campagne #Together4Forests, avec notamment la publication de trois rapports sur l’état des lieux de la déforestation et la responsabilité européenne dans la destruction des forêts mondiales. Afin d’informer, sensibiliser le grand public à la déforestation et l’appeler à faire pression sur les dirigeants, le WWF France a également produit la série audio “Classé-F”. Plongé au cœur du Parlement européen, le public était invité à suivre une jeune stagiaire tombant sur des informations sensibles sur le projet de règlement visant à lutter contre la déforestation.