Les pays méditerranéens échouent à protéger la Méditerranée alors que la biodiversité décline à un rythme sans précédent
Alors que les pays méditerranéens se sont engagés il y a dix ans à protéger 10% de leurs aires marines dans le cadre des Objectifs d’Aichi, aujourd'hui seul 1,27 % de la Méditerranée est efficacement protégé, principalement dans la partie nord de la région. Voici le bilan dressé par le nouveau rapport du WWF, à quelques jours de la conférence des parties de la convention de Barcelone sur la protection de la Méditerranée. A cette occasion, le WWF appelle les gouvernements à renforcer leurs investissements afin de restaurer les habitats et espèces marines menacés par la surexploitation et le changement climatique.
À ce jour, 9,68% de la surface de la mer Méditerranée est classé comme aire marine protégée (AMP). Si ce résultat semble à première vue positif, la création de la grande majorité de ces AMP est purement administrative et n’est pas suivie d’une mise en œuvre effective. Le rapport du WWF révèle en effet que seul 2,48 % de la surface de la mer Méditerranée est couvert par des AMP disposant d’un plan de gestion, 1,27% par des AMP dont les plans de gestion sont mis en œuvre et seulement 0,03% est intégralement protégé de toute intervention humaine.
Au cours des dix dernières années, la quasi-totalité des pays méditerranéens n'a pas atteint son objectif de protection de la Méditerranée à hauteur de 10%, ni son objectif de création d’un réseau adéquat d’AMP d'ici 2020.
Or, un tel réseau contribuerait fortement à restaurer un écosystème unique au monde, qui abrite plus de 10 000 espèces dont 28% sont endémiques. Un capital naturel qui génère 5,6 mille milliards de dollars par an, principalement par la pêche, l'aquaculture et le tourisme et qui est fortement menacé par les activités humaines.
Le rapport du WWF met en évidence également des disparités entre les pays du pourtour méditerranéen dans la protection des aires marines. Une grande partie de l'augmentation de la surface des AMP est due à quelques pays seulement, dont la France et l'Espagne notamment et en moindre mesure la Croatie, la Grèce et Malte, alors que d’autres pays comme l’Egypte, l’Italie, la Turquie et la Slovénie n’ont pas fait suffisamment d’efforts pour instaurer de nouvelles AMP.
« À l’échelle du pourtour méditerranéen, si la France est le pays le plus ambitieux en termes de création d’aires marines protégées, dans les faits, moins d’1% de celles-ci bénéficient d’une protection forte. Pour être crédible lors du Congrès mondial de l’UICN qu’elle accueillera en juin prochain, la France doit renforcer les moyens dédiés à la gestion des AMP dans le cadre de la future stratégie nationale des aires protégées. Elle doit également réduire les pressions et les impacts des activités économiques autour et au sein de ses aires marines protégées afin de renforcer et rendre effective leur protection. »
Ludovic Frère Escoffier, Responsable du Programme Vie des Océans au WWF France
Du 2 au 5 décembre, les gouvernements méditerranéens se réuniront à Naples, dans le cadre de la Convention de Barcelone, créée en 1976 pour prévenir et gérer les risques de pollution ainsi que pour protéger la biodiversité marine de la mer Méditerranée. Objectif : évaluer leurs progrès dans la protection de la biodiversité en Méditerranée et amorcer leur nouveau plan d’action post-2020.
« La Convention de Barcelone offre aux gouvernements méditerranéens un outil unique et utile pour travailler ensemble, mais elle a besoin d'un changement transformateur. Le manque récurrent d'investissements et d'intérêt des pays pour la biodiversité affecte sérieusement la capacité de la Méditerranée à atténuer l'impact du changement climatique et à soutenir notre économie bleue. Les dirigeants méditerranéens doivent faire de la protection de la biodiversité une priorité politique absolue et doivent s'engager à protéger efficacement au moins 30% de la Méditerranée d'ici 2030. »
Giuseppe Di Carlo, Directeur de l’Initiative Marine Méditerranéenne
Le WWF appelle les Etats Parties à adopter un plan d’action pour la protection des écosystèmes marins pour le post-2020 plus solide, transparent et mesurable, incluant notamment :
- Des objectifs de protection plus ambitieux pour protéger au moins 30 % des zones côtières et marines ;
- Des indicateurs précis d'efficacité, des seuils clairs pour les AMP à protection forte, une meilleure représentation et une meilleure collaboration des réseaux d’AMP, une inclusion et une participation plus effective des parties prenantes ;
- Des processus de responsabilisation plus robustes, plus transparents, avec des mécanismes permettant de suivre les progrès de chaque pays ;
- L’intégration des AMP dans le cadre d’une gestion plus large et durable du paysage marin à travers la création d’un réseau d'AMP cohérent et efficace ;
- Une meilleure gouvernance des AMP au niveau national et régional, à travers le renforcement de la coopération intersectorielle et intergouvernementale.