Loi énergie-climat : où est passée l’urgence climatique et écologique ?
L’Assemblée nationale a voté hier et ce matin les premiers articles du projet de loi sur l’énergie et le climat, après avoir acté l’urgence climatique et écologique. Étaient en particulier débattus les objectifs en matière de climat et de nucléaire, la fermeture des centrales à charbon et la rénovation des passoires énergétiques dont la nécessité urgente a été mise en avant par la canicule. Les différentes ONG du Réseau Action Climat (dont fait partie le WWF France) réagissent.
Pour approfondir le sujet :
Transition énergétiqueLes ONG du Réseau Action Climat réagissent à ce point d’étape :
Pour Pierre Cannet, co-directeur des programmes par intérim au WWF France
« Les députés ont adopté dans la Loi Énergie-Climat un saupoudrage de mesures intéressantes, mais insuffisantes comparées aux solutions existantes pour une transition écologique et solidaire plus efficace en France. Le WWF France attendait des réponses plus fortes pour rénover, développer les renouvelables citoyennes, investir davantage dans cette transition maintenant. L’urgence est là, la France suffoque cette semaine face aux records de températures liés au dérèglement climatique. Et le Haut Conseil pour le Climat avait appelé il y a quelques jours seulement le gouvernement à muscler son action climatique.
Les avancées de la loi pour l’extension du reporting financier du climat à la biodiversité, l’accompagnement des transitions professionnelles et industrielles du secteur du charbon – à étendre encore au nucléaire – sont contrebalancées par le manque de mesures pour la place laissée au citoyens dans la transition ou la fin des passoires énergétiques à court terme. »
Pour Anne Bringault, Responsable Transition énergétique au Réseau Action Climat
« Pour le gouvernement, l’urgence climatique, c’est pour après le quinquennat ! Les mesures urgentes de rénovation des passoires énergétiques ont été reportées à 2023, voire 2028. Les locataires qui étouffent actuellement et paient des factures d’énergie exorbitantes en hiver apprécieront. »
Pour Danyel Dubreuil du CLER – Réseau pour la transition énergétique
« Les mesures d’interdiction de location des passoires énergétiques et d’obligation de rénovation ne figurent pas dans la loi. Le gouvernement renouvelle des vœux pieux, sans intention réelle d’accélérer la rénovation des logements et de protéger les familles qui les occupent des épisodes de canicule et de grand froid, ni de la forte augmentation à venir des factures d’énergie et de la précarité énergétique. »
Pour Adeline Mathien, en charge des questions Énergie pour France Nature Environnement
« Les députés ont voté l’urgence climatique mais n’en ont pas tiré les conséquences qui s’imposaient. L’heure n’est plus aux belles paroles, aux beaux objectifs et à la préservation des intérêts particuliers de certains. N’oublions pas que l’enjeu de la rénovation est double : sortir de la précarité des millions de ménages, et baisser de manière significative la consommation d’énergie de la France. Il n’y a pas de transition énergétique sans baisse des consommations ! Les députés doivent permettre la mise en place de tous les moyens organisationnels et financiers pour rénover les logements les plus énergivores, vite ! Même une mesure de bon sens comme l’interdiction des publicités lumineuses n’a pas passé le test des lobbies ! Ce texte aura peu de conséquences concrètes, à part un affaiblissement de l’évaluation environnementale. »
Pour Alix Mazounie de Greenpeace France
« Encore une fois, dès qu’il faut passer du joli slogan aux actes concrets, le courage politique du gouvernement fond aussi vite que les températures montent ! Sur le climat, le gouvernement a refusé de renforcer l’objectif de baisse des émissions de GES en 2030 et a freiné les efforts sur les économies d’énergie. Sur le nucléaire, il s’est contenté de repousser les échéances en occultant les conséquences d’une prolongation de la durée de vie des centrales bien au delà de 40 ans. Face au refus d’inscrire dans la loi une trajectoire claire et contraignante pour engager la réduction de la part du nucléaire, il incombera à la société civile et aux parlementaires de contrôler qu’EDF s’engage bel et bien dans cette voie, notamment dans son plan stratégique qui devra désormais être rendu public. »
Pour Cécile Marchand des Amis de la Terre
« Le gouvernement repousse, comme à son habitude, les actions concrètes pour lutter contre le dérèglement climatique à plus tard. En refusant de mettre fin aux subventions aux énergies fossiles sous forme de garanties à l’export, il a une fois de plus fait passer les intérêts des lobbys de l’industrie fossile au premier plan. Une décision lourde de conséquences pour le climat et les communautés des pays où seront développés des projets de gaz, pétrole et autres énergies fossiles aux impacts dramatiques sur la santé et l’environnement local. »
Pour Charlotte Mijeon, du Réseau « Sortir du nucléaire »
« Malgré les mises en garde sur le vieillissement des réacteurs, les députés ont acté un dangereux report de l’échéance de réduction de la part du nucléaire. Non contents, ils ont également refusé – avec la bénédiction du ministre François de Rugy – des amendements relevant du plus simple bon sens, comme la réalisation de scénarios alternatifs si des réacteurs devaient fermer pour des raisons de sûreté ! »
Pour Célia Gautier, responsable climat-énergie à la Fondation Nicolas Hulot
« Cette loi est une loi d’affichage écologique, pas d’urgence écologique. Malgré les alertes du Haut conseil sur le climat, malgré les carences soulignées dans l’Affaire du Siècle, la majorité gouvernementale a systématiquement rejeté les obligations et les mesures ayant une efficacité à court terme, comme la rénovation obligatoire des 7,4 millions de passoires énergétiques d’ici 2025. Or, sans interdictions ni obligations, la mutation en profondeur de notre économie pour affronter la crise écologique est mission impossible. Le projet de loi de finances pour 2020 sera un nouveau test de la cohérence de ce gouvernement : s’opposera-t-il aussi à l’investissement dans la transition écologique ? »
Pour Paulo-Serge Lopes, président de Virage Énergie
« Au delà des incantations et promesses qui parsèment les discours du gouvernement, le projet de loi n’est pas à la hauteur des enjeux. Le “Make our planet green again” s’évanouit à l’heure des choix gouvernementaux. Parmi les manquements patents face à l’urgence climatique, on relèvera le peu d’ambition sur les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre et l’absence d’objectifs plus territorialisés et concrets. La sobriété organisée ne doit pas être une vaine expression mais le ressort d’une volonté politique assumée et portée par l’Etat avec la société civile et les collectivité territoriales notamment au niveau des documents de planification locale (SRADDET, SCOT, PLU,…). »