Non aux passages en force contre la biodiversité. Bouquetins du Bargy : la fin du dialogue environnemental ?
Hier matin à 1 heure, George-François Leclerc, Préfet de Haute-Savoie, donnait l’ordre de boucler le massif du Bargy afin de passer outre une procédure judiciaire en cours et lancer l’abattage massif des bouquetins dans le massif du Bargy. Rappelons que les bouquetins constituent une espèce paisible protégée à l’échelle nationale(arrêté ministériel du 17 avril 1981) et européenne (Convention de Berne).
Le WWF s’oppose farouchement à cette extermination aveugle des populations de bouquetins alors qu’il existe d’autres alternatives pour écarter la menace de la brucellose. Le 19 octobre prochain, le Tribunal administratif de Grenoble, saisi d’un référé-suspension, devait d’ailleurs rendre sa décision sur la possible illégalité de l’arrêté préfectoral.
Il semble que la préfecture de Haute-Savoie ait préféré céder aux pressions par un passage en force bafouant le référé-suspension en cours en dépit du bon sens, des avis scientifiques et du dialogue environnemental.
Une décision allant à l’encontre des recommandations scientifiques et associatives
Le WWF dénonce ainsi une nouvelle fois des méthodes brutales et disproportionnées, en contradiction avec l’avis des instances scientifiques (CNPN[1] et CSRPN[2]) et de l’Agence de Sécurité Sanitaire (ANSES).
En 2013, au nom de la prévention sanitaire, les autorités ordonnent et mettent en œuvre l’abattage systématique de tous les bouquetins de plus de cinq ans dans le massif du Bargy. Les commanditaires de cette mesure pensent ainsi empêcher la propagation de la brucellose, une bactérie qui menacerait l’AOC du reblochon. 251 animaux sont abattus. Une mesure contre-productive entraînant notamment un risque de dispersion de l’infection dans les massifs voisins.
Mais le Préfet s’entête et souhaite à présent l’abattage de la quasi-totalité des bouquetins du Bargy alors même que les instances scientifiques et sanitaires (CNPN, CSRPN et ANSES) valident un protocole d’endormissement et d’euthanasie des seules populations malades avec marquage et relâcher des animaux sains. « Eradiquer une maladie en milieu ouvert avec les mêmes méthodes que celles utilisée pour les animaux domestiques, par définition sous contrôle, est une totale aberration écologique », déclare Christine Sourd, directrice adjointe des programmes au WWF.
Des méthodes brutales bafouant la procédure judiciaire en cours et portant un grand préjudice au dialogue environnemental
« Le gouvernement cède à la pression maximale qu'une partie du monde agricole fait peser sur lui. Alors que le Premier ministre a employé le mot "voyou" dans le cadre du conflit à Air France, nous attendons toujours à ce jour sa réaction ou celle de Mme Royal suite à la prise d’otages durant 15 heures du président et du directeur du parc de la Vanoise par une cinquantaine d'éleveurs qui ont obtenu gain de cause. Il existe visiblement deux poids, deux mesures » indique Isabelle Laudon, responsable des politiques publiques du WWF France.
« Pour les bouquetins, alors que des solutions plus pertinentes fondées sur des avis scientifiques existent, le gouvernement cède encore face à la pression des agriculteurs. Nous sommes hors de la rationalité, si ce n'est la rationalité électorale. Le silence de l'Etat devant la brutalité des éleveurs preneurs d'otages ainsi que la brutalité de l’Etat, sans même attendre le jugement sur le référé, avec l'abattage massif de bouquetins dont la moitié sont sains, voilà la méthode Valls-Royal-Le Foll : une méthode qui porte un coup sérieux au dialogue environnemental au nom de la démagogie », ajoute-t-elle.