Pour les experts de la Commission européenne, la taxonomie doit s'appliquer à l'ensemble de l'économie
Les débats sur l’intégration du gaz et du nucléaire dans la taxonomie verte européenne sont loin d’être terminés. Leur inclusion nécessite l’approbation notamment du parlement européen qui devrait se prononcer d’ici juillet dans un nouveau contexte géopolitique. En effet, non seulement qualifier de “durables” les investissements dans ces énergies est contraire à la science, comme l’a montré le rapport de la Plateforme européenne sur la finance durable publié fin janvier, mais en plus le terrible conflit en Ukraine montre combien ces investissements renforcent la dépendance aux importations (gaz, uranium), donc l'insécurité énergétique et l’affaiblissement géopolitique de l’Union européenne.
Justement, dans un nouveau rapport paru ce jour, les experts de la Plateforme européenne sur la finance durable plaident pour que le référentiel de l'investissement durable de l'UE intègre mieux les activités de transition et pas seulement la petite proportion actuelle de secteurs considérés comme "durables". Des activités comme le gaz et le nucléaire, dont le classement “activité durable”, avait sévèrement été critiqué par le groupe d’experts fin janvier, pourraient trouver leur place dans cette taxonomie élargie.
Dans le rapport, les experts de la Plateforme proposent une taxonomie élargie à 4 catégories : les activités durables sur le plan environnemental, les activités intermédiaires, les activités nuisibles et les activités à faible impact environnemental (c'est-à-dire non significatives sur le plan environnemental).
Ils proposent d’élargir la taxonomie pour qu’elle puisse couvrir la majeure partie des portefeuilles financiers et devienne donc beaucoup plus pertinente et utile pour les institutions financières. Plusieurs investisseurs et banques ont en effet déjà fait part de leurs réserves car la taxonomie "verte" actuelle devrait couvrir moins de 5% de leur portefeuille.
"À l'instar du succès du label d'efficacité énergétique de l'UE, la taxonomie doit permettre de différencier différents niveaux d’impact environnemental et couvrir tous les secteurs clés pour clarifier où nous en sommes et accélérer la transition vers une économie durable" - Sébastien Godinot, économiste au WWF European Policy Office
Cette taxonomie élargie sera bénéfique pour les activités ne pouvant pas atteindre immédiatement le niveau d'ambition de la taxonomie verte. Celles-ci devront néanmoins s'engager à quitter la catégorie dite "nuisible" et à mettre en place un plan d'investissement spécifique à l'activité pour atteindre à terme la catégorie dite “verte”. En outre, la taxonomie étendue contribuera au Green Deal européen et s’inscrit déjà parfaitement dans la récente stratégie de la Commission pour le financement de la transition vers une économie durable. En offrant davantage d'options pour la classification des activités économiques, elle mettra également fin aux critiques selon lesquelles la taxonomie est "binaire".
Ce référentiel élargi pourra être élaboré sur la base des critères déjà développés pour la taxonomie verte, et donc n'imposera pratiquement aucune charge supplémentaire aux entreprises et aux institutions financières qui évaluent leur alignement sur la taxonomie.
Le WWF est convaincu que la taxonomie élargie peut être un levier puissant pour la transition écologique et appelle la Commission européenne à soutenir le rapport de la Plateforme et à lancer le processus de développement des étapes techniques. Une première phase permettra aux organisations de tester le référentiel élargi sur une base volontaire.