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02. novembre 2021 — Communiqué de presse

Taxonomie européenne : tentative de faire passer le gaz et le nucléaire pour des énergies « vertes » ?

Le gaz et le nucléaire pourraient être considérés comme des investissements « durables » dans la taxonomie européenne. C’est ce que soutient un document confidentiel circulé à la Commission Européenne le 29 octobre. Une information qui, si elle se révélait exacte, porterait un coup de grâce à la construction d’une finance alignée avec les objectifs de lutte contre le réchauffement climatique.

Cette proposition permettrait le greenwashing de milliards d'euros de financement pour ces activités, malgré les émissions élevées du gaz fossile et les déchets radioactifs produits par l'énergie nucléaire.

La taxonomie est une classification européenne qui, lorsqu’elle sera opérationnalisée, dotera le secteur financier d’une information claire sur les activités économiques pouvant être considérées comme durables, d’une part, et sur les activités devant à l’inverse être considérées comme néfastes pour le climat.  C’est en s’appuyant sur cette classification que les institutions financières pourront réorienter leurs portefeuilles et leurs investissements vers des activités compatibles avec la lutte contre le réchauffement climatique.

Dans ce contexte, intégrer le gaz et le nucléaire dans la catégorie des investissements durables, comme le suggère le document fuité, permettrait le greenwashing de milliards d'euros de financements, compte-tenu des émissions élevées associées à l’extraction et la combustion du gaz fossile et des déchets radioactifs produits par l'énergie nucléaire.

« Cette proposition est une honte du point de vue scientifique et porterait un coup fatal à la taxonomie. Elle porterait gravement atteinte à l’ambition de l’Union européenne en matière de finance durable et dans le cadre du Green Deal. Elle doit être fermement rejetée par la Commission et combattue par tous les États membres. Alors que tous les regards se tournent vers la COP26, l'UE doit former un seul bloc derrière un leadership climatique crédible. »

 Henry Eviston, responsable finance durable pour le bureau des affaires européennes du WWF

Nous supposons donc que la France ne soutient pas ce document de taxonomie, qui serait en totale contradiction avec les propos du président, et nous appelons le gouvernement français à le confirmer.

Pierre Cannet, Directeur du plaidoyer au WWF France

Malgré les spéculations sur le rôle de la France ou d'autres États membres, la source exacte du document reçu par la Commission européenne demeure incertaine.

 

« Hier, à la tribune de la COP26, le président Macron évoquait une fois de plus la nécessité de limiter le réchauffement climatique à 1,5°C. Nous savons que pour y parvenir, nous devons mettre fin à la consommation d’énergies fossiles - y compris du gaz fossile. Nous supposons donc que la France ne soutient pas ce document sur la taxonomie, ce qui serait en totale contradiction avec les propos du président de la République, et nous appelons le gouvernement français à le confirmer. »

 Pierre Cannet, directeur du plaidoyer au WWF France

Les critères issus de ce document confidentiel permettraient notamment de classer comme « vertes » de nombreuses centrales à gaz commandées d'ici à 2030.

Les critères relatifs au gaz décrits dans le document confidentiel sont considérablement moins exigeants qu'une proposition précédente formulée par la Commission, qui avait été retirée après avoir suscité un tollé de la part des scientifiques, des institutions financières et de la société civile. Les critères issus de ce document confidentiel permettraient notamment de classer comme "vertes" de nombreuses centrales à gaz commandées d'ici à 2030. Celles-ci pourraient commencer à fonctionner en 2035 ou plus tard. Cette annonce serait en contradiction totale avec le scénario « Net Zero » de l'Agence internationale de l'énergie qui doit permettre de maintenir l’augmentation de la température mondiale à 1,5°C. En effet, ce scénario prévoit qu’aucun investissement ne soit fait dans de nouveaux projets fossiles et que les centrales à gaz ferment d’ici 2035 dans les pays industrialisés. 

 

Les critères sur le nucléaire s'appuient, quant à eux, sur les recommandations techniques, erronées, du Centre commun de recherche (CCR) de la Commission, qui n'exigent même pas la mise en place d'installations opérationnelles pour l'élimination à long terme des déchets nucléaires hautement radioactifs : il suffit simplement d'avoir un « plan » pour développer de telles installations. Le rapport du CCR a été critiqué par plusieurs experts.

Ces nouveaux critères de taxonomie sont incompatibles avec le règlement sur la taxonomie. Ils divisent les acteurs du marché et proposent un modèle déjà dépassé par la réalité du marché - le marché des obligations vertes, par exemple, exclut à la fois le gaz et le nucléaire. Une taxonomie dévoyée altèrerait la confiance des acteurs financiers, et pourrait dissuader la plupart d’entre eux de l’utiliser pour orienter leurs décisions d'investissements.