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17. février 2016 — Communiqué de presse

[Tribune] Deux mois après la COP21, les nouvelles batailles du climat en 2016

Après des mois de suivi médiatique intense, la COP21 a largement disparu des radars. Pourtant de nouvelles batailles pour le climat ont commencé à se jouer en coulisses.

Portrait de Pascal Canfin

Le premier grand sujet porte sur la façon de renforcer et d’accélérer l’action climatique dès maintenant, alors que l’Accord de Paris n’entre en vigueur qu’en 2020 et que les opportunités trouvées à Paris pour une potentielle revue à la hausse des ambitions restent à préciser. 



L’addition des contributions déposées par les États en amont de la COP21 nous fait passer d’une trajectoire de réchauffement à + 4 degrés à une trajectoire à +3 degrés. C’est mieux mais cela ne nous permet pas de passer en dessous des 2 degrés, objectif pourtant fixé par l’accord lui-même. Or, rien n’est encore garanti pour rehausser les engagements des États. Résultat : le risque existe de rester prisonnier d’une trajectoire de 3 degrés puisqu’il sera trop tard en 2025 pour espérer pouvoir nous mettre bien en-dessous du seuil des 2 degrés considéré comme un point de non-retour par les scientifiques.



D’où l’importance des décisions et initiatives politiques qui doivent être prises à court terme par le maximum de gouvernements pour rehausser leurs engagements pour 2020 et enclencher une réelle dynamique mondiale en ce sens. Le président de la République a montré la voie dans son discours de clôture de la COP21 en annonçant « [qu’il ferait] la proposition que les pays voulant aller plus vite puissent réactualiser avant 2020 tous leurs engagements». D’autres pays comme la Suède ou le Luxembourg semblent aller dans ce sens. 



Le WWF va engager une campagne auprès des leaders européens pour qu’ils viennent signer l’accord de Paris le 22 avril à New York avec un engagement plus ambitieux pour 2020. L’idéal serait bien sûr de pouvoir rouvrir le paquet européen lui-même. Mais l’opposition de la Pologne et de quelques autres pays encore très largement dépendants du charbon rend ce scénario peu probable. Comme sur beaucoup d’autres sujets européens, le temps est sans doute venu d’avancer plus vite à un nombre restreint de pays qui représenteront l’essentiel des émissions de l’Union.



En Chine, la publication du nouveau plan quinquennal en mars 2016 sera peut être suivi d’une annonce forte : l’anticipation du pic d’émissions du premier pollueur au monde non en 2030 comme prévu aujourd’hui mais en 2025. Évidemment une avancée de cinq ans (de 2030 à 2025) serait un message fort au reste du monde indiquant la volonté de la Chine d’accélérer la réduction de ses émissions adossée à un changement progressif de son modèle économique et de son mix énergétique. Après la diminution de combustion de charbon de 2014, la Chine vient de confirmer une nouvelle chute de 2,8% en 2015.



Aux États-Unis, la décision récente de la Cour suprême concernant les règles mises par l’administration Obama sur les centrales à charbon ne remet pas en cause l’engagement américain. En effet, elle ne porte que sur une question de procédure et non de fond et n’empêchera pas la signature américaine le 22 avril. Mais elle démontre une nouvelle fois le caractère très polarisé du débat climatique aux Etats-Unis et le risque que constitue l’élection à la fin de l’année d’un président climato-sceptique.



A côté de l’accord lui même, 10 000 engagements ont été pris à Paris par les entreprises, les collectivités locales et le secteur financier dans lesquels on retrouve par exemple 53 entreprises qui se sont engagés à acheter 100 % de leur consommation d’électricité à base de sources renouvelables dans le monde entier ; ou encore 119 entreprises qui se sont donnés deux ans au plus pour travailler à une feuille de route permettant de définir ce que signifie un monde se posant la limite d’un dérèglement climatique à 2 degrés en terme de d’investissements, de R&D, de métiers... Autant d’engagements qu’il faut maintenant déployer et suivre. Côté collectivités, plus de 400 villes ont maintenant rejoint le Pacte des maires dont Paris, Bordeaux ou encore Nice. Plus de 700 maires du monde entier ont aussi soutenu dans la déclaration de la Maire de Paris, un horizon 100% renouvelables pour 2050 sur leurs territoires.



Enfin, le secteur financier français commence à intégrer sa nouvelle obligation, traduite par un décret adopté le 31 décembre dernier, de rendre public leurs stratégies pour diminuer leur exposition aux risques climatiques et leurs investissements dans la transition. Comme la France est le premier pays au monde à avoir instauré ce reporting obligatoire, la façon dont il est mis en œuvre est scruté par les autres pays, notamment par le groupe de travail présidé par Michael Bloomberg, l’ancien maire de New York qui doit cette année faire des propositions sur la façon dont le secteur financier mondial doit rendre public son exposition au risque climat.



On le voit les batailles du climat ont déjà repris et les lobbies n’ont pas désarmé. Si la COP21 marque un tournant ce n’est pas le moment de baisser la garde !





Pascal Canfin



Directeur général WWF France