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16. mars 2016 — Communiqué de presse

[Tribune] Loi biodiversité : députés, encore un effort !

La loi biodiversité est votée en deuxième lecture cette semaine à l’Assemblée nationale. 40 ans après la première loi fondatrice de 1976, elle vient, ou doit venir, renforcer la protection de notre capital naturel. C’est l’occasion de revenir sur la crise écologique dont on ne parle presque jamais, celle du vivant !

 

Portrait de Pascal Canfin

En effet, lorsque l’on regarde la pression exercée sur l’ensemble des écosystèmes de la planète, la pire situation n’est même pas celle du climat, mais celle de la biodiversité. Ce mot technique cache une réalité simple : la vie sur terre. Nous assistons à une extinction massive de la diversité de la vie sur terre, comme le souligne l’Indice Planète Vivante ®, établi par le WWF en mesurant plus de 10 000 populations représentatives de mammifères, d’oiseaux, de reptiles, d’amphibiens et de poissons.



Depuis 1970, et en moins de deux générations, la taille des populations des espèces sauvages a décliné de 52%.Or, contrairement à ce que la vision culturelle dominante depuis des siècles en Occident et maintenant sur presque toute la planète nous fait penser, il n’y a pas d’un côté l’être humain et de l’autre la nature. L’espèce humaine est partie prenante d’une chaîne de la vie. Et cette chaîne de la vie perd ses maillons à une vitesse inédite dans l’histoire ! Cela rend la vie moins résiliente, plus vulnérable.



Les causes nous les connaissons : surpêche massive dans les océans, déforestation qui détruit les habitats d’espèces que l’on ne trouve nulle par ailleurs, réchauffement climatique accéléré qui perturbe les écosystèmes, agriculture dopée aux pesticides qui détruisent ce qu’on appelle la « biodiversité ordinaire » dont les abeilles sont aujourd’hui les symboles menacés, en France comme en Chine.



Évidemment la solution n’est pas franco-française et une loi nationale sur la biodiversité peut sembler dérisoire. Ce n’est pas le cas. Avec les Outre-mer, la France possède la biodiversité la plus riche de tous les pays européens. Un seul chiffre : il y a plus d’espèces d’arbres sur un hectare de forêt tropicale que dans toutes les forêts d’Europe continentale ! Cela se sait peu mais la plus grande frontière française n’est pas avec l’Allemagne ou l’Espagne… mais avec le Brésil au sud de le Guyane.



Le WWF se bat dans le cadre de cette loi, comme au niveau international, pour protéger le plus grand bloc de forêt tropicale encore intacte du monde, la partie de l’Amazonie qui se trouve sur le plateau des Guyanes à cheval sur la Guyane française,  le Surinam et le Guyana, anciennement Guyane hollandaise. Il se bat aussi, dans le cadre de la lutte contre la biopiraterie, pour que soient reconnus plus de droits aux communautés locales vivant de cette forêt lorsqu’on vient y prélever des ressources génétiques.



Par ailleurs, la loi biodiversité est l’occasion de sécuriser une jurisprudence importante consacrée après la marée noire de l’Erika : la reconnaissance du préjudice écologique. Il s’agit de faire payer aux responsables d’une pollution les dommages affligés à la nature, au-delà de la réparation des dégâts matériels sur un équipement ou économiques sur le tourisme... Cette extension du principe pollueur-payeur a bien entendu été combattue par les entreprises les plus à risque lors des débats judiciaires.



Suite à sa lecture au Sénat il y a deux mois, la loi biodiversité contient maintenant un article visant à traduire dans la loi cette jurisprudence pour la sécuriser. C’est une bonne chose. Mais sous la pression des lobbies, le gouvernement a déposé en commission il y a quelques jours un amendement visant à vider le préjudice écologique d’une grande partie de sa substance revenant ainsi sur des réparations du préjudice écologique déjà reconnues par le juge, notamment sur la base de la responsabilité sans faute.



Cet amendement aberrant dans une loi qui est censée faire progresser la protection de la nature a suscité un tel tollé qu’il a vite été retiré par le gouvernement. Depuis une semaine nous travaillons à ce que la loi grave cette jurisprudence sans aucun retour en arrière. Résultat cette semaine avec le vote à l’Assemblée nationale.



La loi biodiversité ne fait pas la Une du 20h. C’est pourtant une loi essentielle qui pose au fond la question de la limite : saurons-nous contenir un jour notre mode de développement prédateur pour le vivant ?



Pascal Canfin,



Directeur Général WWF France