Un passe climatique à l’Elysée pour sortir de l’impasse écologique
Candidates, candidats, vous demandez aux Français de vous confier les commandes du pays pour cinq ans. Mais pour leur rendre la France dans quel état en 2027 ? Après avoir exigé des Français une discipline de fer face à la crise sanitaire, rien ne peut plus justifier aujourd’hui qu’un président ne s’impose pas la même discipline pour sortir de la crise écologique. C’est pourquoi le WWF vous appelle à prendre l’engagement de soumettre chacune des décisions de votre mandat présidentiel à l’obtention d’un passe climatique. Les Français ont présenté leur passe. Nous aurons besoin du vôtre face à l’impasse écologique.
Cette tribune a initialement été publiée dans le Journal du dimanche le 20 février 2022.
Les précédents présidents n’ont pas eu la main assez verte pour réduire l’empreinte écologique de la France
« Pacte vert », « budget vert », « croissance verte ». Le vert s’affiche partout dans les discours et décisions politiques, mais apparaît à peine dans les résultats. Si l’action des derniers présidents français avait été si « verte », la France aurait-elle réduit ses émissions de gaz à effet de serre de seulement 1,2 % par an en moyenne depuis 2015, quand il aurait fallu aller bien plus vite ? La France serait-elle parmi les 10 pays abritant le plus d’espèces menacées ?
Force est de le constater : les précédents présidents n’ont pas eu la main assez verte pour réduire l’empreinte écologique de la France.
Pourquoi ? Tout simplement parce que rien ne les y oblige. Les objectifs écologiques qu’ils se sont fixés sont alors restés paroles en l’air, à l’image des engagements pris par la France pour réduire sa dépendance aux énergies fossiles ou aux pesticides, pour déployer les énergies renouvelables, pour multiplier les bornes de recharges électriques, pour améliorer la qualité de l’air, pour développer l’agroécologie et pour protéger les espèces qu’elle s’est engagée à protéger. Et quand ils ont pris d’autres mesures, ils ne se sont pas souciés de leur impact : en 2019, seuls 3 % des articles de loi promulgués étaient évalués à l’aune de leur impact sur le climat. Quand ils ont octroyé des financements publics, enfin, ils ne se sont pas davantage encombrés de leur empreinte écologique : la France est aujourd’hui le 5ème pays européen qui met plus d’argent public dans les énergies fossiles que dans les énergies renouvelables.
Face à la crise écologique, le prochain président devra montrer patte blanche
Si trop longtemps les décideurs politiques ont eu les mains libres, la situation en 2022 a changé.
D’abord parce que la crise écologique frappe plus que jamais le quotidien des Français : la température moyenne dans le pays a déjà augmenté de 1,7°C et les Français subissent de plein fouet les incendies, inondations et sécheresses causés par le réchauffement climatique. Ils pourraient bientôt connaître des canicules tous les étés et devoir oublier la neige qui couvre encore nos sommets.
Ensuite parce que la justice française a récemment ordonné à l’Etat de réparer le préjudice écologique causé par le non-respect de ses propres objectifs climatiques.
Enfin parce que le sens des responsabilités doit être justement partagé : l’Etat a exigé des Français une discipline de fer dans la lutte contre une crise sanitaire exceptionnelle et rien ne peut plus justifier aujourd’hui qu’un chef d’Etat ne s’impose pas la même discipline dans la lutte contre la crise écologique.
Pas de passe climatique, pas de décision politique
Candidates, candidats, en vous engageant à présenter un passe climatique pour chacune des décisions prises pendant votre quinquennat, vous rassurerez les Français sur le sérieux de votre engagement à leur rendre en 2027 la France en meilleur état que celui dans lequel vous l’aurez trouvée en 2022.
Surtout, vous doterez la politique française des outils de pilotage dont elle manque encore cruellement pour garantir que tout ce qui est entrepris par l’Etat contribue à atteindre ses objectifs en matière de lutte contre le réchauffement climatique et de protection de la biodiversité. C’est le principe du passe climatique : des objectifs clairement définis, des moyens financiers programmés dans la durée, et un contrôle institutionnel rigoureux.
Ainsi, avec un passe climatique, chaque loi, chaque décret, chaque arrêté, chaque feuille de route stratégique ou chaque engagement international susceptible d’avoir un impact sur la trajectoire française d’émissions de CO2 ou sur l’état de la biodiversité sera évalué par une institution indépendante. En tant que « vigie climatique », cette autorité détermina à l’aide d’indicateurs fiables si la décision qui est envisagée est bien compatible avec les objectifs français de réduction des émissions de CO2 et de protection de la biodiversité. Un avis négatif pourra amener le juge compétent à déclarer cette proposition irrecevable.
Le passe climatique est une discipline pour le prochain président autant qu’une promesse à l’égard des Français : celle de prendre des décisions qui protégeront leur santé, qui soutiendront leur économie et qui rétabliront sur leur territoire une biodiversité qui commence à s’en retirer. Tout cela est possible : le WWF présentera dans les prochains jours ses travaux sur l’empreinte écologique de la France et ses évolutions possibles d’ici 2027.
Candidates, candidats, abandonnez les discours flous et les promesses sans lendemain : engagez-vous à faire de votre mandat celui de la sortie de l’impasse écologique. Préparez votre passe pour chaque décision que vous comptez prendre, à commencer par vos programmes. Ils seront scannés à partir d’aujourd’hui par les électeurs.
Isabelle Autissier, présidente d'honneur du WWF France
Monique Barbut, présidente du WWF France
Véronique Andrieux, directrice générale du WWF France