WWF à la COP26 : les 3 épreuves de rattrapage pour le climat
La COP26 qui s’ouvre aujourd’hui à Glasgow s’annonce comme une session de rattrapage pour les chefs d’Etat. Premiers résultats attendus ce lundi 1er novembre, au sommet des dirigeants où les représentants de plus de 120 pays seront présents. En 2015, les chefs d’Etat s’étaient engagés dans l’Accord de Paris à limiter le réchauffement climatique à 1,5°C. Six ans plus tard, leurs engagements entraînent encore la planète vers un point de non retour de réchauffement de 2,7°C, menaçant des écosystèmes vitaux et l’avenir de l’humanité sur Terre au cours du siècle.
Rattraper le retard pris pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et faire preuve de solidarité
Les engagements renouvelés des Etats entraîneront une augmentation des émissions de 16% d’ici 2030.
En signant l’Accord de Paris adopté à la COP21, les chefs d’Etat ne se sont pas engagés à réchauffer la planète de 2,7°C, mais à en limiter le réchauffement à 1,5°C. Les experts du GIEC sont clairs : tenir cet objectif implique de réduire de 45 % les émissions de CO2 d’ici 2030, par rapport aux niveaux d'émissions enregistrés en 2010. Pourtant, les engagements climatiques renouvelés par la quasi-totalité des Etats avant l’ouverture de la COP26 ne sont pas à la hauteur : plutôt qu’une baisse, ils entraîneront une augmentation des émissions de 16% d’ici 2030.
La France dont les baisses d’émissions stagnent autour de 1% depuis la COP21 n’est pas en reste. Nous l’appelons à engager de nouvelles actions de décarbonation, notamment dans l’agriculture en revoyant immédiatement sa contribution à la prochaine PAC (via son Plan Stratégique National) qui vient d’être retoquée par l’Autorité environnementale et en renforçant les moyens pour la transition agro-écologique.
En termes de solidarité, les pays riches n’ont à ce jour pas été capables d’honorer la promesse faite il y a plus de dix ans aux pays pauvres de mobiliser 100 milliards de dollars par an de financement climat à partir de 2020. Avec 80 milliards de dollars mobilisés à ce jour, il leur faudra expliquer aux pays en développement à la COP26 comment ils comptent trouver les 20 milliards manquants rapidement et même dépasser cet objectif. Plusieurs négociations ouvertes sur le fonctionnement des marchés carbone, sur le financement de l’adaptation, ainsi que sur la prise en charge des pertes et dommages induites par le réchauffement, devront aboutir à la COP26.
Rattraper le temps perdu à négliger la nature, premier allié dans le combat pour le climat
A 2°C de réchauffement planétaire, 20 000 espèces de plantes et d’animaux présentes dans les régions plus riches en biodiversité risquent de disparaître.
C’est une priorité de la COP26 : pas de lutte efficace contre le réchauffement climatique sans une nature en bonne santé. Le GIEC le rappelle dans son dernier rapport : les écosystèmes sont essentiels à la lutte contre le réchauffement climatique, et il est d’autant plus urgent de restaurer et protéger ces écosystèmes que leur contribution s’amenuise à mesure que la planète se réchauffe. Plus nous émettrons de CO2 dans l’atmosphère, moins les écosystèmes naturels seront efficaces pour jouer le rôle de puits de carbone terrestres et océaniques, qui ont respectivement absorbé, ces dix dernières années, 31% et 23% des émissions de CO2. A 2°C déjà, un quart des 80 000 espèces de plantes et d’animaux présentes dans les régions plus riches en biodiversité, comme l’Amazonie ou le Galapagos, sont menacées de disparaître localement d’ici la fin du siècle.
En dépit de sa contribution au climat, les États ont trop longtemps négligé le rôle de la nature. C’est leur seconde épreuve de rattrapage : le WWF appelle les chefs d’Etat et de gouvernement à rendre à la nature la place qu’elle mérite, en reconnaissant dans leurs décisions officielles à la COP26 son rôle essentiel dans la lutte contre le réchauffement, en renforçant le financement des solutions fondées sur la nature et en protégeant les droits des communautés autochtones au premier rang de cette protection. Dans ce travail, la France devra entraîner de nouveaux Etats et de nouvelles banques de développement à renforcer leur financement pour la biodiversité, telle qu’elle s’y est attachée à l’occasion du Congrès mondial de l’UICN à Marseille.
Rattraper le temps perdu à continuer de financer les énergies fossiles et la destruction de la biodiversité
Depuis 2015, les chefs d’Etat du G20 ont dépensé chaque année 5 fois plus d’argent public pour détruire la biodiversité que pour la protéger.
Depuis qu’ils ont signé l’accord de Paris sur le climat, les chefs d’Etat du G20 ont dépensé chaque année trois fois plus d’argent public dans les énergies fossiles que dans les énergies renouvelables. Dans le même temps, ils ont dépensé chaque année cinq fois plus d’argent public pour détruire la biodiversité que pour la protéger. Éliminer ces dépenses publiques est une nécessité autant qu’une opportunité : réorienter, ne serait-ce qu’une année, les plus de 500 milliards de subventions dommageables à la biodiversité vers des activités favorables à l’environnement permettrait de créer 39 millions d’emplois. De même, un investissement conséquent dans les énergies renouvelables pourrait générer d’ici 2050 42 millions d’emplois dans le monde.
C’est la troisième épreuve de rattrapage attendue à la COP26 : le WWF appelle les chefs d’Etat à mettre un terme au gaspillage d’argent et de temps qui continue de miner l’action climatique. A la COP26, les Etats devront s’engager à mettre fin, avant 2025, à l’ensemble de ces aides publiques nuisibles à l’environnement.
Pour la France, un moment de vérité sur l’appui aux projets fossiles d’entreprises françaises à l’étranger
« La COP26 ne suffira pas à elle-seule mais constitue un Grand oral à ne pas manquer pour les dirigeants. »
Le président de la République déclare vouloir se mobiliser pour cette COP pour accélérer la sortie des énergies fossiles (charbon, pétrole et gaz fossile), mais la France envisage encore de soutenir des entreprises françaises impliquées à l’étranger dans l’exploitation de projets pétroliers et gaziers, jusqu’en 2035.
Ce sera la première épreuve de vérité du gouvernement dès la COP26 : la France devra adapter son calendrier et prévoir de mettre fin, dès 2022, au financement export de tout projet gazier et pétrolier. Comme s’y est engagé le président de la République au Congrès de l’UICN à Marseille, la France devra aussi se doter de critères biodiversité pour s’assurer que ces garanties export ne détruisent pas la biodiversité à l’étranger.
Pour Pierre CANNET, directeur du Plaidoyer du WWF France : « La COP26 est une COP de rattrapage pour les Etats qui devront concrètement expliquer comment ils entendent rattraper dès maintenant leur retard dans la baisse des émissions, l’action et la solidarité avec les financements adaptés. »
« La lutte contre le réchauffement climatique est l’affaire de tous les jours, de toutes les décisions... pour les décennies à venir. La COP26 ne suffira pas à elle-seule mais constitue un Grand oral à ne pas manquer pour les dirigeants. Et la France a sa part à jouer. Nous appelons Emmanuel Macron à annoncer la fin dès 2022 des garanties publiques à l’export sur les projets pétroliers et gaziers qui nuisent au climat et à la biodiversité. »