Dans le Jura, le lynx joue les vedettes
C’est l’histoire d’une rencontre magique dans une forêt de la vallée de la Loue, dans le Doubs. Un agent de l’Office français de la biodiversité a croisé le chemin de quatre petits lynx et les a filmé pendant plusieurs heures. Des images inédites !
En sursis
C'est le nombre de lynx boréals estimés sur le territoire français.
Plus grand grand félin d’Europe, le lynx boréal est facilement reconnaissable à sa fourrure tachetée, ses oreilles ornées de pinceaux noirs et ses favoris. Ses larges pattes lui évitent de s’enfoncer dans la neige. Son pelage épais, tacheté de noir, le protège du froid.
Chassé pour sa fourrure ou pour protéger les animaux domestiques, bien que ces attaques soient rares, lynx lynx a déserté la France au début du 20e siècle. Il est revenu naturellement dans le Jura et les Alpes françaises dans les années 1970 et a été réintroduit dans les Vosges en 1983. Mais ses faibles effectifs, estimés à 200 individus, et un territoire morcelé rendent l’espèce vulnérable, tout comme le braconnage et les collisions avec les voitures, première cause de sa mortalité. Tous les ans depuis les années 2000, ce sont en moyenne 4 lynx qui sont victimes d’un accident routier. Comme la population européenne du lynx boréal est extrêmement morcelée, toute atteinte à chacun de ses noyaux relictuels risque encore de réduire son aire de répartition. Si l’UICN classe le félin « en préoccupation mineure » en raison de sa large distribution et de ses effectifs stables, la France, elle, l’a placé dans la catégorie « en danger » sur sa liste rouge des espèces menacées.
Pour une population viable
En France, le WWF s’est mobilisé depuis 2018 pour aboutir à l’élaboration d’un plan national de conservation du lynx en partenariat avec la Société Française pour l'Etude et la Protection des Mammifères (SFEPM).
La protection de l’espèce est inexorablement liée à celle de son habitat. Voilà pourquoi le WWF crée et protège des corridors écologiques que le lynx et d’autres espèces empruntent pour se déplacer d’une zone naturelle à une autre. Nous travaillons principalement dans les Carpates, qui hébergent les plus grandes populations européennes de lynx. Depuis 2015, nous contribuons également à la réintroduction de l’animal dans le massif du Pfälzerwald, en Allemagne. Ce projet LIFE Luchs prévoit le lâcher d’une vingtaine d’individus de la sous-espèce lynx des Carpates (lynx lynx carpathicus), en provenance de Suisse et de Slovaquie.
En France, le WWF s’est mobilisé depuis 2018 pour aboutir à l’élaboration d’un plan national de conservation du lynx en partenariat avec la Société Française pour l'Etude et la Protection des Mammifères (SFEPM). Plus récemment, nous avons appelé nos sympathisants à faire entendre leur voix en participant massivement à la consultation publique lancée par le gouvernement sur le projet de plan national lynx prévu pour protéger le plus grand félin sauvage d’Europe. A ce jour, près de 2500 personnes ont exprimé leur point de vue via cette consultation publique qui s’est clôturée le 27 octobre dernier.
Lynx lynx au premier plan
Chez ces grands prédateurs, la mortalité est très élevée, en particulier chez les petits. Parmi eux, certains ne survivront pas à la première année.
En ce début d’automne, Stéphane Regazzoni, agent de l'Office français de la biodiversité (OFB), a fait une bien jolie rencontre. Tandis qu’il effectuait sa ronde habituelle dans une forêt de la vallée de la Loue, en Franche-Comté, il a croisé, sur son chemin, quatre bébés lynx. Âgés de 4 mois environ, les petits se sont prêtés au jeu de la caméra, se laissant filmer de longues heures durant. De 11 heures du matin à 18h30 environ, ils ont fait des allers-retours entre leur zone de confort et l'agent de l’OFB, l’observant, tantôt à 20 mètres de distance, tantôt à 2 mètres. Quand la nuit a commencé à tomber, leur mère les a appelés et ils ont filé.
Le lynx est un animal curieux, surtout lorsqu’il est jeune. Voilà pourquoi les quatre bébés se sont approchés aussi près de cet homo sapiens. Au-delà des précieuses images qu’elle a permis de recueillir, cette rencontre réjouit l’agent de l’OFB. Selon lui, une portée de 4 petits, c’est assez rare. Les lynx ont chacun un pelage différent qui permet de les identifier précisément. Chaque félin ainsi repéré dans la nature a sa carte d'identité dans une base de données partagée avec les spécialistes suisses et allemands.
Grâce à cette méthode d'identification, on peut estimer la population de lynx lynx à environ 150 individus dans le massif jurassien franco-suisse. Au fil des ans, le territoire de l’animal s'élargit. On a repéré sa présence en Côte d'Or et en Saône-et-Loire. Toutefois, l’espèce est loin d’être tirée d'affaires. Chez ces grands prédateurs, la mortalité est très élevée, en particulier chez les petits. Que vont devenir les quatre bébés immortalisés sur les images ? Parmi eux, certains ne survivront pas à la première année. Les plus résistants, en revanche, partiront plus loin pour conquérir leur propre territoire.