Des clôtures sensorielles pour éloigner les éléphants
Vous aimez l’odeur de la menthe fraîche ? Ou le vif parfum d'agrumes d’un citron tout juste cueilli sur l’arbre ? Les éléphants d'Asie, eux, détestent ces effluves. Et c’est plutôt une bonne chose…
Une coexistence difficile
Depuis les années 1960, les éléphants du Népal ont perdu 80 % de leur habitat naturel au profit du développement humain.
À l'ombre de l'Himalaya, la ceinture transfrontalière de l'arc du Teraï s'étend de la rivière Bagmati au Népal à l'est à la rivière Yamuna en Inde à l'ouest, couvrant une superficie de 51 000 km2. Ce paysage abrite des grands mammifères spectaculaires, comme le tigre du Bengale, le rhinocéros à une corne ou encore l’éléphant.
Mais c’est aussi l’une des régions les plus densément peuplées avec plus de 7,5 millions de personnes côté népalais et près de 50 millions d'habitants côté indien. Le paysage compose désormais une mosaïque de grandes villes et de cantons à croissance rapide, de réseaux routiers et ferroviaires qui scindent les écosystèmes naturels. Cette fragmentation porte préjudice à la faune qui a besoin de se déplacer sans entrave d’un endroit à l’autre pour trouver de la nourriture, se reproduire ou encore mettre bas.
Depuis les années 1960, les éléphants du Népal ont perdu 80 % de leur habitat naturel au profit du développement humain. Pour trouver de la nourriture, ils sont contraints de se rapprocher de plus en plus des habitations. Émergeant subitement de la forêt, il n’est pas rare que les pachydermes dévastent des champs pour se nourrir, avec des conséquences souvent dramatiques : des gens qui perdent leurs récoltes, leur bétail et parfois leurs vies. Et aussi des animaux, déjà menacés ou en danger, qui se font tuer en représailles ou pour « éviter » de futurs conflits.
Réconcilier les humains avec la vie sauvage
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Parfois intenses, les affrontements entre les hommes et les animaux constituent aujourd’hui l’une des principales menaces à la survie de nombreuses espèces animales. C’est pourquoi le WWF et ses partenaires développent des projets dans le monde entier qui visent à créer les conditions d’une cohabitation pacifique entre l'homme et l'animal.
Dans la région du Teraï, au Népal, la restauration des couloirs biologiques dégradés facilite les mouvements saisonniers des pachydermes en leur évitant de traverser les habitations humaines. Des campagnes de sensibilisation sont menées auprès des communautés locales pour leur faire prendre conscience du rôle essentiel de la faune sauvage dans le fonctionnement des écosystèmes, de sa valeur économique, ainsi que de son importance récréative, et donc, de la nécessité de la protéger.
Des dissuasifs à base de piment permettent également de tenir les éléphants à distance des exploitations et des maisons. Et depuis peu, “des clôtures sensorielles” sont utilisées pour éloigner les pachydermes…



De la menthe et du citron pour tenir les éléphants à distance
Les éléphants sont intelligents. Ils parviennent rapidement à déceler les vulnérabilités d’une clôture traditionnelle, qu’ils mettent souvent à terre.
Pour protéger les récoltes et atténuer les conflits entre les humains et les animaux, les clôtures traditionnelles constituent la réponse la plus évidente.
Encore largement utilisées au Népal, elles n’ont pas que des avantages. Lorsqu’elles sont électrifiées, elles peuvent blesser les éléphants et même parfois les tuer, tout comme d’autres animaux. Elles sont aussi laborieuses à ériger et à entretenir.
De plus, les éléphants sont intelligents. Ils parviennent rapidement à déceler les vulnérabilités d’une clôture, comme les poteaux de bois non électrifiés, qu’ils mettent souvent à terre. D’où l’idée de faire pousser un autre type de clôture, au sens littéral du terme…


Aujourd'hui, 300 foyers sont impliqués dans la culture de la menthe.
On les appelle clôtures biologiques ou barrières végétales. Il s’agit de cultiver des “obstacles” naturels au passage des éléphants afin de les amener à contourner les champs. Le plus souvent, les communautés locales optent pour des cultures à croissance rapide dont l’odeur repousse les pachydermes, sans leur être nocif pour autant. Les citronniers sont particulièrement efficaces, parce qu’ils poussent densément, s’entretiennent facilement et dégagent un arôme puissant en raison de leur forte concentration en huiles essentielles.
D’autres plantes, comme la menthe, les agrumes ou la camomille, constituent également de parfaits repoussoirs olfactifs pour les éléphants. De plus, ces barrières végétales offrent une source de revenus supplémentaire. Depuis 2002, qui marque le début de l’expérimentation de ces clôtures naturelles, plus de douze usines de distillation de menthe ont été construites et pas moins de 300 foyers sont aujourd’hui impliqués dans la culture de la menthe. Ce faisant, non seulement ils augmentent leurs recettes mais ils soutiennent également l’économie locale et favorisent la résilience de leur communauté.