Le Big Data à la rescousse des éléphants
C’est une étude d’envergure historique ! En Afrique australe, cinq pays ont uni leurs forces pour mener une enquête approfondie sur les populations d’éléphants de savane peuplant la zone transfrontalière du Kavango-Zambèze (KAZA).
Pour approfondir le sujet :
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Ce réseau de zones protégées héberge près de la moitié des éléphants de savane d’Afrique.
Véritable mosaïque de paysages, l'Afrique australe abrite une biodiversité spectaculaire. Dans le bassin du Kalahari, la zone de conservation transfrontalière du Kavango-Zambèze, dite KAZA, s’étend sur 520 000 km2. Situé entre l’Angola, le Botswana, la Namibie, la Zambie et le Zimbabwe, ce réseau de zones protégées héberge près de la moitié des éléphants de savane d’Afrique, un quart des hyènes africaines, 15% des lions d’Afrique et bien d’autres espèces emblématiques.
La région se prêtant tout particulièrement à l’observation de ces animaux fascinants, ce n’est donc pas un hasard si le tourisme s'y est développé pour devenir le secteur le plus important de l’économie, aux côtés de l’agriculture. Tandis que l’éléphant de savane africain (Loxodonta africana) est officiellement classé comme espèce en voie de disparition, ses effectifs à KAZA semblent stables.
Mais la zone est également densément peuplée par les humains. Près de 2,6 millions de personnes s’y concentrent. Les interactions entre les hommes et les animaux sont donc fréquentes et elles ne sont pas toujours pacifistes. Les conflits constituent un problème réel, avec des conséquences parfois graves, pour les humains comme pour les animaux.
Un projet ambitieux
En août 2022, avec l’appui technique et financier du WWF, 47 personnes débutent ce qui se révèlera être le relevé aérien le plus complet et le plus vaste jamais entrepris dans la région.
Lorsque les cinq pays ont créé KAZA, en 2011, ils misaient sur la conservation et le tourisme pour booster l'économie de la région, et les communautés, en tant que gestionnaires de la faune sauvage, étaient au cœur du projet.
Mais coordonner les efforts de conservation entre plusieurs pays, au sein d’un territoire aussi vaste, n’est pas une mince affaire. Le manque de données fiables sur les populations d’animaux sauvages est aussi un sérieux handicap car méconnaître le milieu où vivent les éléphants et tâtonner quant à leurs effectifs revient à planifier des actions dans le noir…
En août 2022, des experts sont mandatés pour combler ces lacunes. En tout, avec l’appui technique et financier du WWF et le soutien de plusieurs partenaires et donateurs partout dans le monde, 47 personnes _des pilotes, des biologistes et des experts en analyse de données_ débutent ce qui se révèlera être le relevé aérien le plus complet et le plus vaste jamais entrepris dans la région.
Des données précieuses
Les effectifs de Loxodonta africana sont estimés à 227 900 dans cette région d'Afrique australe.
Les vols ont eu lieu tôt le matin, avant que les températures ne deviennent insupportables pour les pilotes et que la faune, à l’affût d’un peu d’ombre, ne se mette à l’abri de la végétation, échappant au regard de nos experts. Les avions devaient voler bas, à une vitesse très réduite, afin d’optimiser les chances de distinguer les animaux.
Après plus de 700 heures de vol, le rapport d'enquête 2023 sur les éléphants de la zone transfrontalière du Kavango-Zambèze (KAZA) a livré ses premiers résultats : les populations de Loxodonta africana sont stables dans cette région d'Afrique australe.
Les effectifs estimés à 227 900 (+/-16743) se répartissent comme suit : 5 983 pachydermes en Angola, 131 909 au Botswana, 21 090 en Namibie, 3 840 en Zambie et 65 028 au Zimbabwe. Seule la population en Zambie a diminué.
Ces données sont essentielles pour améliorer nos efforts de conservation dans la région. Disposer de chiffres de population à jour, ainsi que d'une idée plus claire du moment et de l'endroit où les animaux se déplacent, en particulier entre les zones protégées, devrait nous permettre de prendre de meilleures décisions quant à l’aménagement du territoire, la gestion des conflits entre l'homme et la faune sauvage et la lutte contre le braconnage.
Par exemple, la mortalité plus élevée des éléphants dans certaines régions nous conforte dans l’idée qu’il faut sécuriser et maintenir à tout prix les couloirs de déplacement et la connectivité du paysage dans ces zones. Dans le même temps, les chiffres actualisés nous renseignent sur les lieux où investir en priorité pour développer l’écotourisme qui contribue de manière significative aux économies des pays partenaires de KAZA et offre de nouvelles opportunités financières aux populations locales.