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28. juillet 2023

Trêve entres les humains et l’ours à lunettes

En Colombie, une dizaine de producteurs de café ont décidé de faire la paix avec celui qu’ils ont autrefois chassé : l'ours à lunettes. Depuis, autour des plantations, la biodiversité est florissante…

Victime de préjugés tenaces

Classé dans la catégorie des espèces vulnérables sur la liste rouge de l’UICN, il resterait moins de 20 000 spécimens concentrés dans les forêts nébuleuses d’Amérique du Sud.

L’ours à lunettes vit jusqu’à 4750 m d’altitude dans la cordillère des Andes. Si on le surnomme ainsi, c’est à cause des marques blanches qui ornent sa face. Fourrure noire et tâches blanches autour des yeux, l’opposé exact du panda ! En raison de la fragmentation et du recul de son habitat liés aux activités humaines, l’ursidé est aujourd’hui classé dans la catégorie des espèces vulnérables sur la liste rouge de l’UICN. Il resterait moins de 20 000 spécimens concentrés dans les forêts nébuleuses d’Amérique du Sud. Le braconnage est lui aussi en cause. Dans un pays comme le Venezuela, tuer un ours est illégal, mais la loi est ignorée car la chasse fournit une rémunération supplémentaire à des familles aux revenus souvent précaires. Le prétexte du risque de prédation sur le bétail est souvent brandi, pourtant, 95 % du régime alimentaire de l’ursidé est composé de plantes et de fruits. 

Des croyances locales profondément ancrées prêtent différentes vertus à l’ours à lunettes que l’on continue à tuer pour s’approprier symboliquement sa puissance, fabriquer des médicaments utilisés dans la médecine traditionnelle ou tout simplement consommer sa viande au goût très apprécié.

Pour une cohabitation sereine

Le conflit entre la nécessité de protéger les espèces et les activités humaines est universel.

Dans le but de satisfaire des besoins croissants en nourriture et en espace, l’humanité empiète chaque jour un peu plus sur les milieux naturels. Des hommes et des animaux qui vivaient autrefois séparés sont désormais contraints de partager territoire et ressources dans un contexte de rivalité souvent intense. Depuis les tigres tuant le bétail en Malaisie jusqu’aux loups attaquant des troupeaux, en passant par les éléphants piétinant les cultures au Kenya, le conflit entre la nécessité de protéger les espèces et les activités humaines est universel. Parce que la bataille est avant tout idéologique, le WWF mène des campagnes de sensibilisation.

Nous travaillons aussi aux côtés des éleveurs sur le terrain et testons diverses solutions pour les aider à protéger leur bétail face à la prédation : renforcement de la présence humaine aux côtés des troupeaux, recours aux chiens de protection, installation de clôtures appropriées…

Tout le monde y gagne

Depuis 2015, le taux d’occupation de l’ours sur 3000 hectares protégés a largement augmenté.

Dans cette région caféière de Colombie, perchée sur la cordillère des Andes, ils sont dix cultivateurs à avoir enterré la hache de guerre avec Tremarctos ornatus, leur voisin plantigrade. Et aucun ne semble le regretter. “L’ours nous a sauvés” clament-ils en choeur ! En s’engageant dans le programme "Conservons la Vie" co-géré par des fondations privés et des administrations publiques, ils ont accepté un marché très clair : laisser les ours à lunettes parcourir en paix leur domaine en contrepartie d’aides pour améliorer le rendement de leurs plantations, via l’expérimentation de nouveaux outils et techniques. 

En parallèle, ils ont aussi bénéficié d’aménagements permettant d’améliorer leurs conditions de vie, des systèmes de traitement des eaux et des fosses septiques ont notamment été mis en place. Quant à leur production, rebaptisée “café des ours”, elle est désormais labellisée commerce équitable, ce qui leur permet de toucher une rémunération plus juste, fruit de leur contribution à la protection de l’ursidé. 

Ce dernier a, lui, gagné du terrain depuis 2015, période à laquelle a débuté le programme. Selon les responsables de l’initiative, le taux d’occupation de l’ours sur les 3000 hectares protégés a largement augmenté. Et tout cela profite aussi à d’autres espèces, comme les caméras pièges en attestent. Dans les forêts qui bordent les plantations de café des dix producteurs, la vie sauvage semble reprendre ses droits : renard crabier, agouti ponctué, tatou à sept bandes, martre à tête grise, oncilles, cerfs et pumas ont été immortalisés sur de nombreux clichés. Rien d’étonnant à cela puisque l’ours à lunette joue un rôle clé dans le maintien de la bonne santé de son écosystème et des services vitaux rendus par ce dernier aux autres espèces et aux populations locales : approvisionnement en nourriture et en eau douce, notamment. On parle d’espèce parapluie car sa protection garantit celle des autres espèces avec lesquelles il partage son habitat.

Tous les “Effet Panda”

Ours brun (ursus arctos) qui a repéré le photographe dans la forêt

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