Tortue

Protéger les dauphins et les tortues marines de Guyane

Depuis 2005, le WWF travaille avec le CRPMEM pour lutter contre la pêche accidentelle des grands vertébrés marins en Guyane. A travers deux projets spécifiques, ARRIBA et PALICA, nous accompagnons les pêcheurs dans leur démarche de réduction des prises accessoires. Ensemble, nous testons des techniques innovantes afin de concilier protection de la biodiversité et pérennité de l’activité de pêche dans la région.

Le fléau de la pêche accidentelle

Pour une crevette sauvage pêchée, c'est une dizaine d’espèces accessoires qui se retrouvent prises dans les filets.

Toute pêche entraîne des prises accessoires, c’est-à-dire la capture accidentelle d’espèces non ciblées. En cause, le manque de sélectivité des engins de pêche.

Le chalut exploitant la crevette, par exemple, fait des ravages en la matière avec un ratio littéralement effarant : pour une crevette sauvage pêchée, c'est une dizaine d’espèces accessoires qui se retrouvent prises dans les filets. Ce gaspillage considérable conduit des espèces entières au bord de l’extinction. 

Aujourd’hui, les captures accidentelles représentent la principale menace pesant sur le dauphin de Guyane. Pris dans les filets, les mammifères paniquent rapidement et, dans l’incapacité de remonter à la surface pour respirer, ils se noient. De même, les trois espèces de tortues marines qui peuplent les eaux guyanaises (la Luth, l’Olivâtre et la Verte) paient un lourd tribut à la pêche accidentelle, victimes collatérales de filets défiant toute limite imposée par la loi. 

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Dauphin de Guyane (Sotalia guianensis) observé par l'équipe du WWF Guyane (Guyane Française)
Olive ridley turtle (Lepidochelys olivacea), Guyane française

C’est pourquoi nous travaillons depuis 2005 avec le CRPMEM à l’amélioration de la sélectivité des engins de pêche et à la promotion de techniques de pêche moins impactantes pour les écosystèmes marins

Dans la pêcherie chalutière à la crevette, la mise en place du TTED (Trash & Turtle excluder device), qui consiste à installer une trappe de sortie pour les grands vertébrés marins pris dans les engins, a su démontrer son efficacité. Ce dispositif a permis de supprimer 97% des prises de tortues marines dans les filets de ces navires, alors qu’on estimait qu’ils étaient avant cela responsables de la prise de 1000 tortues environ par an. Aujourd’hui, forts de ce succès, nous poursuivons nos efforts. 

Améliorer la sélectivité des engins de pêche

En 2017, le WWF et le CRPMEM ont lancé le projet PALICA, acronyme de Pêcheries Actives pour la Limitation des Interactions et des Captures Accidentelles.

Financé par le FEAMP, ce programme a permis, suite à une longue phase d’enquête menée auprès d’un large panel de pêcheurs et d’armateurs guyanais, de faire émerger quatre innovations techniques pour réduire le potentiel d’interactions entre les filets de la pêche côtière et les grands vertébrés marins

La particularité du projet est précisément que les solutions expérimentales nous ont été soufflées par les pêcheurs ou du moins, ont été imaginées en concertation avec eux. Ayant observé, sur le terrain, la façon dont les cétacés se prenaient dans leurs filets, la récurrence avec laquelle ils s’emmêlaient dans les mailles, toujours au même endroit, ils ont permis d’identifier les solutions techniques les plus adaptées au problème.

Reste désormais, au-delà de tester leur efficacité pour réduire les prises accessoires, à expérimenter le degré de rentabilité de ces engins de pêche alternatifs.

Projet PALICA II - WWF Guyane
Projet PALICA II - 2 - WWF Guyane

“Tous ces animaux peuvent nous gêner. Un dauphin, qui pèse 150 kg, c’est difficile à remonter de nos filets. En plus, les animaux sont souvent fatigués après. Si on peut éviter de les repêcher, c’est ce qu’on veut.”.

Puis, en 2020, le projet PALICA 2 visant à tester ces nouveaux prototypes en situation réelle de pêche professionnelle, a débuté.

La première innovation consiste à installer des signaleurs acoustiques sur les filets. Ce sont des répulsifs acoustiques qui permettent d’éloigner les dauphins. La seconde vise à supprimer les ralingues de flottaison pour éviter que les tortues, attirées par ces cordages, ne s’emmêlent dedans. Colorer les flotteurs en rouge fait également partie des dispositifs retenus car les tortues luths ne distinguent pas cette couleur, elles ne peuvent donc plus être attirées par ces flotteurs rouges. Actuellement, ils sont blancs ou jaunes : les animaux ont tendance à les confondre avec des proies.

Tests sur les filets de pêche - Projet PALICA II

Enfin, les pêcheurs ont constaté que la plupart des vertébrés marins se faisaient capturer par la partie haute des filets. L’idée est donc de réduire le profil vertical des filets pour permettre aux dauphins et aux tortues de passer plus facilement par-dessus. 

Moduler la pêche en fonction des pontes

En 2023, 3613 pontes de tortues olivâtres ont eu lieu sur la plage de Remire.

Le projet ARRIBA, acronyme d’Alerte aux Risques Relatifs aux Interactions Bloquant les Arribadas, porte, lui, sur la modulation de l’effort de pêche en fonction des zones et des périodes ciblées.

Complémentaire à PALICA 2, ce programme concerne spécifiquement la réduction de prises accidentelles de tortues olivâtres, dont le comportement en pleine saison des pontes est très particulier : ces dernières se regroupent au large de l’île de Cayenne et se dirigent ensuite de façon massive et simultanée pour pondre sur les plages. Certaines nuits, plus de 400 tortues pondent en même temps.

Ce phénomène appelé “arribadas”, d’où le nom du projet, augmente fortement le risque de prises accidentelles et peut causer, de surcroît, des dommages sévères aux filets qui se trouvent en travers de leur chemin. Pourtant, les facteurs permettant à ces animaux de chorégraphier ce mouvement demeurent un grand mystère pour la communauté scientifique.

Le but principal du projet est donc de mettre à contribution l’expertise de plusieurs acteurs (scientifiques, pêcheurs, ONG) pour trouver des solutions permettant d’anticiper le déclenchement de ces rassemblements massifs et permettre aux socio-professionnels d’éviter les zones de rassemblements lors de ces événements.

Le CNRS a notamment équipé plusieurs tortues olivâtres de balises Argos GPS fastloc qui ont permis de définir les zones préférentielles et d’étudier le comportement fin des individus, pour être en mesure de détecter en amont les signaux annonciateurs d’une arribada.

Projet ARRIBA - WWF Guyane
Projet ARRIBA - WWF Guyane

"Il faut 1000 œufs pondus pour un individu adulte, c'est ce stade qui est le plus critique pour la reproduction de l'espèce. L'enjeu est donc de protéger les individus adultes dans l'eau"

À l’approche d’une vague d’arrivées, un dispositif d’alerte s’enclenche désormais et le CRPMEM Guyane peut ainsi prévenir les pêcheurs pour qu’ils contournent la zone concernée, le temps que les tortues effectuent leur ponte et quittent les lieux.

Le projet a donc permis la création d’une zone volontaire de non pêche.

En parallèle, des actions de sensibilisation et de formation auprès des professionnels sont mises en œuvre pour renforcer leurs connaissances sur ces espèces, leur aptitude à les manipuler et à les réanimer lorsqu’elles s’enchevêtrent dans leurs filets. 

Etang dans la forêt des malgaches (Guyane Française)

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