À Madagascar les mamies rayonnent
Un nouveau centre de formation voit le jour à Madagascar. Les grands-mères ingénieures gagnent du terrain, faisant peu à peu progresser l’électrification solaire de leur Grande île.
Un joyau menacé
Moins de 5% des Malgaches vivant à la campagne ont un accès à l'électricité.
Madagascar est une sorte d'arche de Noé. Au cœur de l'océan Indien, au large des côtes africaines, la Grande île abrite des espèces animales que l'on ne retrouve nulle part ailleurs… Lémuriens, tortues étoilées et autres reptiles y ont élu domicile en raison de la variété de ses climats et de ses reliefs. Seulement voilà, ce patrimoine unique est en passe de disparaître. Les forêts primaires qui couvraient 30% de l'île en 1950 n'en couvrent plus que 12%. Elles sont coupées ou brûlées, au rythme de 36 000 hectares par an. Un phénomène que vient aggraver la croissance démographique. En effet, le niveau de pauvreté contraint les habitants à une utilisation irrationnelle des ressources naturelles. Dans les campagnes, seulement 4,7% de la population a accès à l’électricité. Pour couvrir les besoins quotidiens en énergie, la majeure partie des malagasys dépend du pétrole lampant, des bougies, des batteries, des générateurs diesel et du bois de feu, autrement dit, de sources d’énergie fossiles non durables. Non seulement, ces usages impactent l’environnement, mais ils affectent aussi la santé et ne s’avèrent absolument pas rentables sur le plan économique !
De l’énergie oui, mais solaire !
Le WWF a décidé de soutenir une initiative originale qui vise à mettre en œuvre un réseau de grands-mères ingénieures en énergie solaire dans les régions les plus reculées de Madagascar.
Au Barefoot College, les étudiants, le plus souvent illettrés, viennent d’Asie, d’Afrique ou d’Amérique latine pour apprendre les bases de l’énergie solaire. Mais la langue n’est pas un obstacle. On apprend à distinguer les pièces par leur forme et leur couleur, on acquiert les compétences nécessaires en suivant des instructions mimées à l’aide de marionnettes. Avec plus de 2800 heures d’ensoleillement par an, Madagascar bénéficie d’un énorme potentiel en matière d’énergie solaire. C’est pourquoi, le WWF a décidé de soutenir une initiative originale qui vise à mettre en œuvre un réseau de grands-mères ingénieures en énergie solaire dans les régions les plus reculées de Madagascar. Chaque année, des femmes, qui ne savent ni lire ni écrire, partent suivre une formation en Inde, au sein du Barefoot College. Elles y apprennent à fabriquer et entretenir des petits équipements à base d’énergie solaire. À l’issue de leur formation, qui dure un semestre, elles assurent l’électrification de leur village. Depuis le lancement de l’initiative en 2012, les conditions de vie des villageois s’améliorent, des activités génératrices de revenus se développent.
Le Barefoot College s’implante à Madagascar
Les bénéfices du projet grand-mères solaires sont si nombreux que le gouvernement Malgache a décidé de développer le programme sur son propre territoire. Depuis 2015, le Ministère de l’Énergie est officiellement en charge de mettre en œuvre l’approche Barefoot College à l’échelle nationale. Chose promise, chose due. Madagascar dispose désormais de son propre centre de formation ! L’objectif est clair : d’ici 2030, 744 femmes devront être formées afin de permettre à 630 000 ménages ruraux isolés d’avoir un accès durable à l’électricité.
Située dans la commune rurale de Tsiafajavona à 70 km au sud d'Antananarivo, l’école a accueilli sa première promotion en juillet dernier. L’occasion d’une cérémonie de bienvenue en présence des partenaires techniques et financiers et du gouvernement. Pendant 5 mois, 4 instructrices scolaires issues de promotions précédentes et 12 nouvelles apprenantes ont cohabité dans le centre. Au menu : des cours pratiques sur la fabrication, l’installation et la maintenance des systèmes solaires photovoltaïques mais aussi un enseignement plus générique sur l'inclusion financière, la micro entreprise, les activités génératrices de revenus, la santé reproductive, la conscience de soi, le droit, l'environnement, ou encore l'outil numérique. L’idée est d’augmenter progressivement la capacité d’accueil du centre. À terme, chaque session devrait compter 16 formatrices pour 50 étudiantes. Une fois l'électrification de leur village terminée et le comité solaire fonctionnel, les mamies solaires seront incitées à développer leur propre activité : commercialiser les lanternes solaires qu’elles auront fabriquées elles-mêmes dans les villages des environs.