Le tigre à la reconquête du Kazakhstan
Pour la première fois depuis 70 ans, deux tigres sauvages ont foulé les terres du Kazakhstan. Le mâle et la femelle ont voyagé depuis les Pays-Bas jusqu’à la réserve naturelle kazakhe d’Ile-Balkhash…
Tigre de la Caspienne, sous-espèce éteinte
Aujourd’hui, ils sont moins de 5574 tigres sauvages en Asie contre près de 100 000 au XXème siècle.
Au début du XXème siècle, l’Asie comptait près de 100 000 tigres sauvages. Aujourd’hui, ils sont moins de 5574. L’espèce est notamment en déclin à cause du braconnage, mais aussi parce que ses proies et ses territoires de chasse se raréfient. L’habitat du tigre diminue à mesure qu’augmente le développement de l’agriculture, de l’urbanisation et de la déforestation.
Pourtant, le tigre est une espèce « clé de voûte » essentielle. Grand carnivore au sommet de la chaîne alimentaire, le fauve contribue, en chassant, à limiter la prolifération des herbivores et protège ainsi les forêts, les pâturages et les réserves en eau douce, dont dépendent des millions de personnes.
Le Tigre de la Caspienne (Panthera tigris virgata), que l’on trouvait notamment au Kazhakstan, s’est éteint dans les années 1970. Mais des recherches génétiques récentes ont montré qu’il appartient en réalité à la même sous-espèce que le tigre de Sibérie (Panthera tigris altaica), morphologiquement très proche et qui existe toujours, ce qui ouvre des perspectives de réintroduction en Asie centrale.
Un projet inédit
Ce projet doit contribuer au Tx2, l'objectif mondial de doubler le nombre de félins d’ici à 2020.
En 2017, la république du Kazakhstan annonce un projet de réintroduction du tigre dans son habitat historique d’Ile-Balkhash et signe avec le WWF un accord pour mettre en œuvre un programme conjoint de réintroduction du tigre. Ce projet doit contribuer au Tx2, l’objectif mondial de doubler le nombre de félins d’ici à 2020, un engagement pris par les gouvernements de plusieurs pays abritant le tigre lors du Sommet du tigre de Saint-Pétersbourg, en 2010.
Le Kazakhstan est le premier pays au monde à tenter de réintroduire le tigre dans une région entière d’où il a disparu pendant plus d’un demi-siècle. Jusqu’ici, des projets de déplacements du tigre ont déjà été réalisés mais uniquement à l’intérieur de frontières nationales et dans des habitats où le tigre est encore présent.
Afin de préparer le retour du félin, le gouvernement du Kazakhstan a commencé par délimiter une nouvelle réserve naturelle dans le sud-ouest d’Ile-Balkhash, de manière à restaurer l’habitat unique que constitue la forêt ripicole du lac Balkhash. Cela englobe la protection de la faune existante et la réintroduction d’espèces essentielles servant de proie au tigre, comme le kulan (âne sauvage) et le cerf de Bactriane, deux espèces originaires d’Asie centrale, mais actuellement disparues du Kazakhstan en raison du braconnage et de la perte d’habitat.
L’espoir renaît
Le 20 septembre dernier, Bodhana and Kuma, un couple de tigres de Sibérie élevés en captivité, ont quitté le sanctuaire Shelter Stichting Leeuw à Anna Paulowna, aux Pays-Bas. Leur destination ? Le Kazakhstan ! Le mâle et la femelle sont désormais logés dans une vaste enceinte semi-naturelle de trois hectares, au sein de la réserve naturelle d’Ile-Balkhash. Si tout se passe bien, leurs futurs petits seront relâchés à l’état sauvage, devenant ainsi les premiers tigres à sillonner librement le Kazakhstan depuis 1948, année présumée de leur extinction.
C’est un nouveau chapitre qui s’ouvre. Une étape cruciale non seulement pour ramener le grand félin dans sa terre d'origine, mais aussi pour ré-ensauvager tout un écosystème. Cette réintroduction est l’aboutissement d’un travail de longue haleine, entamé il y a dix ans. Aujourd’hui, l’espace jouit d’un statut de protection solide, et des fonds ont été alloués à la reforestation de plus de 50 hectares d’arbres indigènes, ainsi qu’à la réintroduction d’espèces de proies cruciales comme le cerf de Boughara et le koulan (âne sauvage d’Asie).
La translocation de ces tigres est la première d’une longue série prévue dans les années à venir, avec pour objectif de constituer une population saine d’environ 50 tigres sauvages d’ici 2035.
À défaut de pouvoir réintroduire le tigre de la Caspienne, le choix s’est porté vers son plus proche cousin : le tigre de Sibérie. Il est en effet bien adapté aux conditions climatiques que l’on retrouve au Kazakhstan : hivers rigoureux, étés chauds. La translocation de ces tigres est la première d’une longue série prévue dans les années à venir, avec pour objectif de constituer une population saine d’environ 50 tigres sauvages d’ici 2035, en commençant par ce couple pionnier pour la reproduction.
Cette initiative témoigne non seulement de la résilience de l’espèce, mais constitue également un exemple frappant de coopération entre les gouvernements, les organisations de conservation et les communautés locales en faveur de la conservation de la faune et de la nature.
En effet, si en Europe, et en France en particulier, la cohabitation avec le loup suscite parfois des débats, on peut aisément imaginer la crainte que le retour du tigre peut provoquer. C’est pourquoi, dès le début du projet, la communauté locale autour de la réserve naturelle d'Ile-Balkhash a été étroitement impliquée . Elle a notamment reçu un soutien pour développer le tourisme naturel dans la région.