Nouvelle-Calédonie : la forêt sèche reprend ses droits
L’un des écosystèmes les plus menacés au monde fait son grand retour sur le Caillou. C’est ce que nous apprend le tout dernier rapport du WWF « Enseignements de 17 ans de restauration dans les forêts sèches de Nouvelle Calédonie ».
Un capital en sursis
C'est le nombre d'espèces florales inventoriées dans la forêt sèche.
Réservoir de biodiversité, la forêt sèche est une forêt dense. On y trouve des arbustes et des lianes capables de résister à un climat relativement sec. Et une flore très diversifiée : 400 espèces inventoriées. Plus de la moitié sont endémiques à la Nouvelle-Calédonie, ce qui signifie qu’on ne les trouve nulle part ailleurs. Bien sûr, ce milieu naturel constitue aussi l’habitat de nombreuses espèces animales : mollusques, insectes, reptiles, oiseaux...
Mais dans l’imaginaire collectif, les forêts tropicales sèches sont moins précieuses que leurs homologues tropicales humides. De fait, elles reçoivent moins d’attention et donc, de protection. En Nouvelle-Calédonie, longtemps considérée comme une zone de friches sans intérêt, la forêt sèche a été sacrifiée au profit des terres agricoles et des aménagements urbains. Si à l’origine elle couvrait près de la moitié ouest de la Grande terre, cette forêt n’est présente aujourd’hui que sur 2% de sa surface initiale et elle est très fragmentée. Avec 700 fragments forestiers dont seulement 80 dépassent les 50 hectares, cet écosystème se retrouve parmi les plus menacés de la planète.
Restaurer les paysages dégradés
Le WWF encourage les calédoniens à s’impliquer sur le long terme dans la conservation et la restauration de leur forêt sèche.
En réponse, avec les collectivités, instituts de recherche et associations locales, le WWF initie en 2001 un programme de conservation de la forêt sèche de Nouvelle-Calédonie. Nous nous attachons à mieux faire comprendre la valeur de ce milieu, tant aux décideurs qu’à la population locale. Dix ans plus tard, cette collaboration permet l’institutionnalisation du programme via la création du Conservatoire d’Espaces Naturels de Nouvelle-Calédonie.
Courant 2016, le WWF lance une initiative de parrainage au sein de l’aire protégée du Ouen Toro. Une parcelle est confiée à un groupe (association, établissement scolaire, groupe d’amis, …) qui assure le retour de la forêt sèche sur cette zone : préparation du terrain, plantation, entretien contre les espèces envahissantes et arrosage jusqu'à ce que les plants, devenus assez grands, soient considérés comme autonomes. Le WWF incite ainsi les calédoniens à prendre le relais et à s’impliquer sur le long terme dans la conservation et la restauration de leur forêt sèche.
La forêt gagne du terrain
Nous sommes passés de 0,3% de la superficie totale de forêt sèche protégée existante à 4% en 17 ans.
Protéger les derniers fragments de forêt sèche de Nouvelle-Calédonie est particulièrement difficile car près de la moitié de ces lambeaux dispersés se trouve sur des terres privées. Il faut souvent redoubler d’efforts pour convaincre les propriétaires fonciers d’épargner ce trésor en sursis sur leur territoire. C’est là tout l’enjeu de notre programme de conservation !
Quand l’éleveur Claude Metzdorf et son père reçoivent la visite d’un botaniste de l’IRD en 1996, ils ne savent pas qu’une forêt sèche est aussi précieuse. Mais après s’être fait expliquer qu’ils côtoyaient sur leur terrain une forêt à haute valeur, ils comprennent que ce qu’ils possèdent est important, non seulement pour eux mais pour l’humanité. Ils renoncent alors à la détruire pour faire entrer le bétail. L’engagement de la famille Metzdorf inspire. Des clôtures s’érigent peu à peu afin de mettre les vestiges de forêt sèche à l’abri des bovins et de la prédation des cerfs et cochons sauvages. Entre 2000 et 2017, on passe de 55,9 hectares protégés à 692 hectares, soit de 0,3% de la superficie totale de forêt sèche existante à 4% !
Tandis qu’à l’abri de la clôture la végétation peut se régénérer naturellement, d'autres zones sont activement replantées avec un mélange varié d'arbres indigènes, dont des espèces en voie de disparition. L’idée est que ces zones restaurées agissent comme des « tremplins » dans le paysage, favorisant une régénération naturelle diversifiée et servant de corridor et d’habitat à la faune originelle des forêts sèche.