Philippines, le squale s’installe
Nous sommes le 30 août. C’est la journée internationale du requin-baleine qui s’offre, pour l’occasion, un nouveau sursis : 100 nouveaux spécimens viennent d’être recensés aux Philippines !
Quand la bête noire devient victime
60% des requins pélagiques (qui vivent en haute mer au large des côtes) sont en danger d'extinction.
Tour à tour craint et vénéré, le requin nourrit de nombreux fantasmes, notamment celui d’un prédateur cruel, assoiffé de sang et particulièrement friand de chair humaine… Pourtant, c’est plutôt l’homme qui représente une menace pour lui aujourd’hui. En raison d’une pêche excessive, ce mal-aimé pourrait bien disparaître. Le commerce de ses ailerons, ingrédient principal d’une soupe vendue à prix d’or - ne cesse de se développer. Quand les squales sont capturés, on coupe leurs ailerons, et ce qui reste du requin est rejeté à la mer. Cette pratique, largement répandue, est appelée shark finning. De plus, les requins ne se reproduisent pas aussi vite que les autres poissons. La surpêche, à laquelle viennent s’ajouter les captures accidentelles, a donc un impact bien plus conséquent sur leurs populations aujourd’hui disséminées.
Selon la liste rouge mondiale des espèces menacées dressée par l’Union internationale pour la conservation de la nature, environ 60% des requins pélagiques sont actuellement en danger d’extinction. Un bien mauvais présage pour les océans car la disparition de ces prédateurs-clés qui trônent tout en haut de la chaîne alimentaire aurait de lourdes conséquences pour les écosystèmes marins.
Sauver le seigneur des profondeurs
Le WWF œuvre à la protection de l'habitat naturel des requins et en faveur d’une pêche responsable qui limite les captures accidentelles.
Le WWF œuvre à la protection de l'habitat naturel des requins et en faveur d’une pêche responsable qui limite les captures accidentelles. En parallèle, nous développons des projets d’écotourisme communautaire qui mettent en vedette les requins pélagiques, notamment les requins-baleines.
Aux Philippines, l’un de nos projets phares a sorti une ville de pêcheurs de sa torpeur. Donsol est ainsi devenue le premier sanctuaire de requins baleines. Chaque jour des bateaux emmènent des touristes à la découverte du squale mais ces activités sont strictement réglementées : le nombre de navires est limité, chaque visite n’excède pas 3 heures etc. Résultat, l’espèce se porte mieux et les communautés riveraines aussi car la présence de l’emblématique animal profite à l’hôtellerie et au commerce.
La zone sert également de laboratoire aux équipes scientifiques qui y prélèvent des échantillons de micro-algues. Ces tests permettent de mesurer le niveau de pollution mais aussi de mettre en évidence les activités nocives pour l’écosystème : pêche par empoisonnement, érosion des berges accroissant le niveau de sédiments, déversements d’origine agricole ou autre, y compris des rejets de phosphates issus de la fertilisation des rizières et du lavage de linge.
Ses effectifs grimpent
104 nouveaux requins-baleines ont été identifiés près de Donsol entre le mois de janvier et le mois de juin 2019.
104 nouveaux individus, y compris des juvéniles, ont été identifiés près de Donsol entre le mois de janvier et le mois de juin. Cela porte à 676 le nombre de requins baleines recensés sur ce site sur les 1725 que compteraient les Philippines. C’est la plus grosse augmentation enregistrée depuis ces dernières années. A titre de comparaison, entre 2017 et 2018, 22 nouveaux spécimens seulement avait été repérés autour de Donsol.
La marge d’erreur est faible car les requins baleines ont une spécificité qui facilite grandement leur recensement. En effet, chacun d’entre eux dispose d’un motif de tâches unique derrière ses branchies grâce auquel on peut l’identifier, à l’instar de nos empreintes digitales. Une sorte de marquage naturel sur lequel les biologistes s’appuient pour mesurer l’évolution de l’espèce.
Le fait que les requins baleines soient aujourd’hui un peu plus nombreux qu’hier à Donsol indique également que ses eaux sont riches en plancton, leur nourriture principale. Le plus gros poisson du monde, au delà de sa valeur pour le tourisme, constitue donc également un bon indicateur de son milieu et joue un rôle fondamental dans la résilience de l’écosystème local. Le préserver c’est assurément garantir un avenir à la région.