Pour sauver les forêts, l’union fait la force
Les efforts de mobilisation pour la forêt atlantique du Haut Paraná dépassent les frontières et bénéficient autant aux écosystèmes forestiers qu’aux communautés locales qui en dépendent pour subvenir à leurs besoins.
Le royaume du jaguar en péril
C'est cinq derniers siècles, plus de
de la forêt atlantique ont été détruit par la déforestation.
D'une superficie d'environ 400 000 kilomètres carrés - 4/5ème de la France - le Haut Paraná constitue l’une des régions du monde les plus riches en termes de diversité biologique. À cheval sur trois pays, il fait partie de la forêt tropicale atlantique qui couvrait autrefois environ 10% du continent sud-américain. Mais après cinq siècles de déforestation, il reste moins d'un cinquième de la forêt d'origine. Seuls subsistent de petits fragments isolés cernés par les pâturages et les terres agricoles.
Pourtant, la zone concentre encore 5% de la biodiversité animale mondiale et 7% de toutes les espèces végétales de la Terre, dont beaucoup n’existent nulle part ailleurs. Au-delà des spectaculaires félins de la région (jaguar, puma, ocelot), on trouve plusieurs espèces de cervidés et de singes, dont le singe-araignée laineux ou le minuscule singe-lion à face noire. La forêt abrite également plus de 400 espèces d’oiseaux aux couleurs chatoyantes tels que l’Amazone à sourcils rouges. La préservation de la forêt atlantique est un enjeu majeur pour la planète.
Un corridor vert
Il y a vingt ans, le WWF et la fondation Vida Silvestre ont réuni plus de 70 institutions et experts afin de définir une feuille de route pour la conservation du Haut Paraná. En conservant les blocs principaux de forêt, en rétablissant les connexions entre eux et en maintenant des processus écologiques sains, l'idée était de créer un « corridor vert » à travers les trois pays.
Publiée en 2003, cette stratégie a guidé les efforts des différentes parties prenantes : gouvernements, ONG, entreprises privées et communautés autochtones, propriétaires fonciers et scientifiques. Depuis, les taux de déforestation ont été considérablement réduits - de 82% au Paraguay et de 65% en Argentine. Plus de 20 000 hectares de forêt ont été replantés ou se sont régénérés naturellement grâce aux efforts de conservation. Dans le Haut Paraná, les populations de jaguar - une bonne indication de la santé de l'écosystème - ont augmenté de 160% entre 2005 et 2018.
Tout le monde y gagne
Restaurer des paysages forestiers ne signifie pas forcément remettre un paysage dans son état originel. Dans les endroits où de nombreuses personnes vivent et travaillent, il s’agit plutôt d’améliorer la santé de l’environnement et de fait, la qualité de vie des communautés à proximité, en rétablissant les services que procurent les forêts.
Au Paraguay, le bassin versant supérieur du parc national de Ybycui avait été complètement défriché au profit des plantations de canne à sucre et du pâturage. Aujourd’hui, en partenariat avec le WWF, l’entreprise forestière Forestal Sylvis loue aux agriculteurs les terres qu’elle a replantées selon une approche dite sylvopasturale que certains définissent comme l’art de récolter les fruits d’une nature épanouie. Deux espèces d'arbres indigènes ont été plantées en rangées pour produire du bois, tandis que le bétail paît entre les deux.
« De nombreuses espèces sauvages sont revenues. Quand je regarde autour de moi, c’est si beau. Avant, c’était marron, maintenant tout est vert. J’admire le couvert d’arbres et l’eau qui est désormais si claire. »
Et tout le monde y gagne ! Tandis que ce mode agricole contribue à prévenir l’érosion des sols, maintenir le stockage du carbone et améliorer la qualité de l’eau, les revenus issus de l’exploitation de la terre ont doublé. Les propriétaires fonciers n’ont plus besoin de couper les arbres pour compléter leur rente, les éleveurs disposent d’un pâturage de qualité pour leur bétail et les exploitants forestiers vivent plus que décemment.
Jaime est un petit propriétaire terrien à Andresito, côté argentin. Autrefois, ses vaches buvaient directement à la rivière, ce qui laissait l'eau sale, et leur pâturage empêchait les arbres de pousser sur la berge. Lorsqu’il a construit des auges pour que son bétail puisse s’abreuver et qu’il a clôturé certaines zones autour des bassins versants, la végétation naturelle s’est régénérée. Aujourd’hui, la nature a repris ses droits sur un quart de son domaine, à sa plus grande joie.