Ressusciter les forêts sous-marines

En dépit de leur apparence, les herbiers marins ne sont pas des algues mais des plantes aux longues feuilles en forme de ruban qui fleurissent dans les océans. Comme leurs homologues terrestres, elles fabriquent de l'oxygène et stockent le CO2 atmosphérique, ce qui fait d’elles de formidables alliées face au changement climatique. Les herbiers marins capturent jusqu’à 35 fois plus de carbone à l’hectare que les forêts tropicales humides et même s'ils ne couvrent que 0,2% des fonds marins, ils absorbent 10% du carbone des océans chaque année.

Les prairies des mers sont vitales pour la vie aquatique, qui dépend d’elles pour se nourrir et s'abriter. Une zone de 10 000 m2 peut accueillir jusqu’à 80 000 poissons et plus d'un million d'invertébrés. Mais leur rôle est largement sous-estimé. Partout dans le monde, les forêts sous-marines sont en recul, elles s’estompent progressivement et nous sommes peu nombreux à nous en émouvoir. En cause, l’urbanisation galopante le long des côtes, la pollution terrestre qui se déverse dans la mer, le chalutage ou encore les impacts de la navigation de plaisance. Au Royaume-Uni, on estime que 92% des prairies marines pourraient avoir disparu au cours du siècle dernier.

Face à l’inexorable destruction de nos herbiers marins, récifs coralliens et mangroves, nous faisons front. Le WWF se mobilise au niveau mondial pour déployer un réseau d’Aires Marines Protégées, améliorer la gestion de celles qui existent ou encore soutenir la création de zones de protection forte dans les zones déjà protégées.

En Méditerranée, par exemple, nous développons et soutenons des standards élevés de protection des écosystèmes pour faire évoluer les pratiques des différents secteurs de l’économie maritime, et en particulier celui de la plaisance. Depuis 2020, les navires de plus de 24 mètres de long ne peuvent s’amarrer que sur des coffres d’amarrage ou jeter l’ancre dans des zones bien précises, clairement identifiées, au sein desquelles il n’y a pas de risque pour l’herbier de posidonie, forêt sous-marine à la valeur exceptionnelle. C’est un premier pas qui a permis de réduire les impacts de deux tiers.

Mais les navires de moins de 24 mètres représentent 95% des plaisanciers en Méditerranée. Le WWF se mobilise donc désormais pour limiter l’impact de ces derniers, en facilitant la mise en place de bouées en mer et en menant des actions de sensibilisation, notamment.

Il y a trois ans, le WWF Pays de Galles lançait le plus ambitieux projet de restauration de prairie sous-marine jamais entrepris au Royaume-Uni. Au cours de l’été 2020, une équipe de bénévoles a parcouru les fonds marins du pays pour récolter un million de graines d'herbes. Ces dernières ont été cultivées dans les laboratoires de l’Université de Swansea et ont été progressivement plantées dans le Pembrokeshire (comté au sud-ouest du pays de Galles, sur les rives de la mer d'Irlande) pour reconstituer une prairie de 20 000 m2, soit deux hectares. À titre de comparaison, la surface de jeu d’un terrain de foot professionnel peut s’étendre jusqu’à 10 800 m2.

Près de 2 000 volontaires, âgés de 3 à 90 ans, parmi lesquels des écoliers très motivés, ont aidé à préparer le dispositif de semence, à savoir des petits sacs en toile de jute remplis de sable, fixés à une corde pour lester les graines.

Fort de ce succès sur le site pilote, nous avons déployé l’initiative sur la côte nord du Pays de Galles, dans les régions d'Anglesey. Cette fois, nous avons restauré 10 hectares, soit 100 000 m2 de forêts sous-marines ! D’ici 2026, nous prévoyons de planter plus de 5 millions de graines d'herbes marines sur la péninsule de Llyn…

En Méditerranée, le WWF France travaille à la conservation de la posidonie grâce à une approche différente : la restauration passive. Il s'agit d’éviter la dégradation des herbiers et de favoriser leur repousse par la mise en place de mouillages sur bouées et de zones d’interdiction d’ancrage. Quelle que soit la stratégie employée, l’objectif demeure le même : restaurer des prairies saines pour pérenniser les services écosystémiques qu’elles rendent au quotidien et en particulier leur rôle indispensable de puits de carbone !