Victoire pour l’Amazone d’Europe
La réserve de biosphère Mur-Drave-Danube devient le premier site européen de l’UNESCO cogéré par cinq pays. Un modèle de coopération internationale inédit pour la gestion des bassins fluviaux. Des milliers d’espèces reprennent leur souffle !
Fleuves de vie
La réserve abrite la plus forte densité de pygargues à queue blanche nicheurs d’Europe continentale, mais aussi des loutres, des castors et des esturgeons qui sont en danger critique d’extinction.
Comme plus de la moitié des eaux naturelles mondiales au cours des 40 dernières années, les rivières sauvages d’Europe centrale ont été sacrifiées au profit du développement. Canalisation des fleuves, « assainissement » des zones humides, bétonnage des rives, déversements d’engrais, de pesticides et d’eaux usées, accidents industriels ou encore prélèvements abusifs pour la production d’électricité et l’irrigation, la pression exercée sur les cours d’eau augmente constamment. A ce jour, près d'un cinquième des quelques dix mille espèces vivant en eau douce ont déjà disparu ou sont menacées d’extinction.
Pourtant, à la rencontre du Danube et de ses affluents de la Drava et de la Mura, qui traversent l’Autriche, la Slovénie, la Hongrie, la Croatie et la Serbie, quelques zones où la nature semble encore intacte, subsistent. Cette région immaculée est surnommée « l’Amazone de l’Europe ». Avec ses rares forêts alluviales, ses bancs de sable et de gravier, ses îles, ses rivières à méandres et ses bras morts, la région abrite la plus forte densité de pygargues à queue blanche nicheurs d’Europe continentale, mais aussi des loutres, des castors et des esturgeons qui sont en danger critique d’extinction. Il s’agit également d’une halte importante pour plus de 250 000 oiseaux migrateurs chaque année.
L’eau douce, cette essentielle
C'est le nombre de personnes ayant répondu présent à l’appel #ProtectWater lancé par le WWF pour demander à la Commission Européenne de maintenir une législation forte sur l’eau.
Parce que l’eau douce constitue une priorité absolue, le WWF combat les projets d’aménagement qui nuisent aux écosystèmes. Nos équipes se mobilisent pour la revitalisation et la sauvegarde des derniers cours d’eau naturels. En 2018, nous lançons #ProtectWater pour demander à la Commission Européenne de maintenir une législation forte sur l’eau. 375 386 personnes répondent à l’appel en participant massivement à la consultation publique de l’Union européenne !
Quelques mois plus tard, lorsque le gouvernement slovène annonce la construction de huit barrages hydroélectriques sur la rivière Mur, le WWF et ses partenaires contre-attaquent via la campagne « Save the Mura ». Après que 77 310 personnes aient signé notre pétition appelant les pouvoirs publics à renoncer à ces projets dévastateurs, la Slovénie interdit la construction de barrage sur la rivière Mur. Toutes les études préalables ont en effet conclu que les différents projets nuiraient au bon état écologique des eaux de surface et auraient un impact environnemental significatif sur ce site classé Natura 2000.
Un modèle de conservation inédit
La réserve de biosphère Mur-Drave-Danube démontre la volonté des États parties de penser au niveau mondial et d’agir ensemble au niveau local.
Dès 2011, l'Autriche, la Croatie, la Hongrie, la Serbie et la Slovénie signent un accord pour la création d'une réserve naturelle estampillée Unesco. Ce projet transfrontalier vise à protéger 800 000 hectares de zones humides aux abords du Danube et de ses affluents. Mais il faut attendre le 15 septembre 2021 pour que l’UNESCO classe officiellement la zone transfrontalière Mur-Drave-Danube en réserve de biosphère. Plus grande réserve de zones humides d'Europe, elle sera aussi la première réserve au monde à être co-gérée par cinq pays. D’une superficie de 931 820 hectares, elle s'étend des Alpes aux contreforts des Balkans en passant par le bassin des Carpates, reliant un réseau de 13 zones majeures protégées.
Le WWF et ses partenaires, qui s’efforcent de mettre cette zone à l’abri depuis plus de 20 ans, se réjouissent de cette décision, tant l’identité de la région et la qualité de vie de ses 900 000 habitants dépendent des lignes de vie que constituent les fleuves Mur, Drave et Danube. Les plaines inondables protègent en effet les agglomérations des inondations et approvisionnent les populations riveraines en eau potable, tandis que la beauté des paysages, elle, renforce le potentiel de développement d’un tourisme durable. Cette réserve est un modèle international de conservation, de résilience au changement climatique et de développement durable. Elle marque une avancée majeure dans la coopération internationale et le partage des responsabilités, démontrant la volonté des États parties de penser au niveau mondial et d’agir ensemble au niveau local.