Y’a de la vie dans les Carpates
Après 2 siècles d’absence, le bison d’Europe revient à la charge dans les forêts de Roumanie où il a été réintroduit avec succès. Depuis 2014, une vingtaine de petits y sont nés à l'état sauvage.
Une espèce éteinte
Lorsque l'on songe au bison, c’est l’image d’un sabot rageur martelant le sol poussiéreux qui nous vient immédiatement à l’esprit. On pense aussi à ses cornes, recourbées vers l’intérieur et plantées haut sur sa tête. Rescapé des temps préhistoriques, le bison peuplait autrefois les forêts européennes.
Mais il fait aujourd’hui les frais d’une activité humaine envahissante. Son habitat s’est réduit à peau de chagrin, en raison de l’expansion de l’agriculture notamment et ses effectifs ont fortement régressé dans nos contrées. Les troupeaux sauvages actuels vivent éloignés les uns des autres dans de petits territoires et ne peuvent se rencontrer. Il en résulte des problèmes de consanguinité et une perte irréversible de la diversité génétique. Également persécutée par la chasse, l'espèce a finalement disparu à l'état sauvage en 1927.
Pourtant, le bison est ce que l’on appelle une espèce « clé de voûte ». Il façonne les paysages en se nourrissant de plantes et en dispersant leurs graines. Il favorise aussi la biodiversité des plantes de prairie en broutant uniquement les herbes les plus courantes, libérant de la place pour les espèces plus rares. D'autre part, son urine, riche en azote, constitue un très bon engrais propice à la végétation.
Redonner un avenir au bison
Le WWF et Rewilding Europe sont à l’origine de la réintroduction du bison européen dans le sud des Carpates, plus précisément dans le site Natura 2000 des montagnes roumaines de Tarcu, qui s’étend sur 59 000 ha.
Depuis 1996, le WWF Russie se mobilise pour restaurer une population viable de bisons et garantir la protection de l’espèce à long terme. Le principe est simple : des bisons élevés dans des réserves sont ensuite relâchés dans la nature après avoir passé quelques temps en semi-liberté, histoire de se réhabituer en douceur à la vie sauvage. Entre 1999 et 2002, 60 animaux ont ainsi été relâchés dans les forêts de Russie, principalement dans les provinces d’Orel-Briansk-Kaluga et de Vladimir.
En 2008, le dispositif s’étend aux Carpates afin de protéger la vie sauvage de la région, l’une des plus riches d’Europe. En 2014, les premiers individus sont remis en liberté dans le site Natura 2000 des montagnes roumaines de Tarcu, qui s’étend sur 59 000 ha. Puis, en 2015, un deuxième troupeau composé de 14 bisons est relâché.
L'objectif est de parvenir à réintroduire une population d'au moins 300 bisons d’ici 2024. A terme, le but sera d’établir un réseau de zones naturelles reliées entre elles par des corridors où l'écosystème naturel sera protégé.
Les Carpates ressuscitent
C'est le nombre de bisons nés en 2019 dans les Carpates, un nombre record pour le site Natura 2000 !
Parmi la frêle population de bisons qui tente de s’établir depuis peu dans les montagnes de Tarcu, un nouveau-né, le premier de cette année 2020, vient d’être repéré. L’heureux événement, plutôt rare, mérite d’être signalé. En effet, chez Bison Bonasus, la gestation dure 9 mois et la femelle ne donne naissance qu’à un seul petit à la fois. Alors, pour restaurer l’espèce, chaque individu compte.
C’est pourquoi les rangers scrutent avec tant d’attention l’évolution des effectifs. Et ce n’est pas évident car les adultes, dans un souci de protection, ont tendance à se mettre devant les petits, leurs corps massifs dissimulant les derniers nés. Ce printemps, les équipes sont parvenues à identifier huit petits nouveaux, apparemment nés l’année dernière. C’est le nombre de naissances le plus élevé jamais constaté depuis le début du projet de reboisement Rewildind Europe !
Le choix des animaux importés a fait l’objet d’une attention particulière : ils devaient provenir de différents centres d'élevage en Europe afin d’assurer la diversité des profils génétiques. Le lieu n’a pas non plus été choisi au hasard. Il offre suffisamment d’espace aux animaux pour couvrir l’ensemble de leurs besoins, dont 16% de parcs protégés, à l’abri des activités économiques, ce qui pose donc moins de problèmes de cohabitation entre l’homme et l’animal.
Au final, l’enjeu, ce n’est pas seulement de sauver le plus grand mammifère terrestre d’Europe mais aussi de reconstituer tout un écosystème. Le bison se nourrit de pâturage, ce qui maintient les prés ouverts aux insectes, aux fleurs, aux reptiles. Une espèce qui rend heureuse des milliers d’autres finalement. La présence du bison devrait également renforcer l’attractivité de la région, profitant ainsi à l’économie locale.