Nouvelle-Calédonie : Protéger les tortues marines
La Nouvelle-Calédonie abrite plusieurs sites de ponte majeurs de tortues vertes et de tortues « grosse tête », toutes deux menacées. Ces sites “alimentent” de nombreux pays de la région en tortues marines. Pour préserver ces espèces migratrices, il est essentiel de connaître et protéger tous les habitats qu’elles fréquentent.
Des tortues sous pression
En 60 ans, les effectifs des tortues « grosse tête » ont chuté de 80% dans le Pacifique Sud.
Située dans la Mer de Corail, à l’est de l’Australie, la Nouvelle-Calédonie offre un cadre idéal pour la reproduction des tortues marines, où elles se rendent durant l’été austral, souvent après un long voyage dans les mers tropicales. Dans ces eaux chaudes, les mâles et les femelles s’accouplent avant que ces dernières, fécondées, partent sur les plages pour pondre leurs œufs. Malgré l’existence de mesures de protection, les tortues marines nées en Nouvelle-Calédonie restent fortement menacées par les activités humaines (braconnage, prises dans les filets, collisions, dégradation des habitats, changement climatique).
Pour assurer leur sauvegarde, il faut à la fois protéger les sites de ponte, les routes de migration et les zones d’alimentation. Ceci est un vrai challenge étant donné l’étendue de leurs habitats et de leurs déplacements, souvent au-delà des frontières. Grâce à l’acquisition de connaissances, il est possible d’identifier les zones prioritaires, définir les principales menaces, et ainsi promouvoir les mesures de gestion les plus adaptées pour une protection efficace.
Des îlots prisés par les tortues marines
« Les îlots coralliens sont des trésors de biodiversité qu’il faut préserver. Ils représentent un atout pour la survie des tortues marines face au réchauffement climatique. »
En 2016, le WWF en Nouvelle-Calédonie a mis en lumière une zone de ponte majeure pour les tortues “grosse tête”, sur la pléiade d’îlots coralliens situés au cœur de la zone UNESCO du Grand Lagon Sud. Face à cette découverte, un projet a été initié en collaboration avec la province Sud et l’IRD. Son but : acquérir les connaissances nécessaires à l’établissement de mesures de protection adaptées et efficaces pour les sites de ponte du Grand Lagon Sud.
L’enjeu est majeur tant l’espèce concernée est menacée dans cette partie du monde (en danger critique d’extinction selon l’UICN) et que ces îlots représentent des écosystèmes particulièrement fragiles face à la fréquentation humaine et aux changements climatiques...
Pour répondre à cet enjeu, nos équipes ont développé un protocole permettant de suivre les populations de tortues qui viennent se reproduire sur ces sites éloignés mais malgré tout fréquentés. Les premiers résultats ont permis de mettre en lumière l’importance particulière de certains îlots pour la ponte des tortues “grosse tête”. Ceux-là doivent bénéficier d’une protection particulière pour garantir leur préservation.
Autre découverte encourageante : les plages des îlots, constituées de sable blanc, permettent de retenir moins de chaleur que sur les sites de ponte de la Grande Terre. Par conséquent, l’équilibre entre les mâles et les femelles dans les nids est préservé, puisque c’est la température des oeufs qui détermine le sexe des bébés tortues. Cette particularité constitue un formidable avantage et permet de réguler le déséquilibre mesuré sur d’autres zones (ex : Bourail), conséquence directe du phénomène de réchauffement climatique.
Des satellites au service des tortues
« Connaître les routes migratoires des tortues marines nous permet d'inciter les pays responsables des zones qu'elles traversent à mieux les protéger. »
Depuis 2017, nous avons équipé plus de 80 tortues marines de balises satellites sur les principales zones de ponte de tortues vertes et “grosse tête” en Nouvelle-Calédonie. Fixées de manière indolore sur la carapace, ces balises permettent de suivre le déplacement des tortues et ainsi de cartographier les principales zones utilisées comme couloir migratoire et zone d’alimentation.
Nous avons ainsi fait des découvertes majeures pour la protection régionale de ces tortues. D'importants couloirs migratoires ont été identifiés, des sites de ponte de Nouvelle-Calédonie vers la Grande Barrière de Corail Australienne (pour les tortues vertes) et vers la Papouasie Nouvelle-Guinée (pour les “grosse tête”). Les principales zones d’alimentation des tortues d’origine calédonienne ont également pu être définies, les menant aussi loin que Fidji à plusieurs milliers de km. Les données obtenues ont permis d’identifier les principaux pays qui partagent une responsabilité de sauvegarde vis-à-vis des tortues tortues originaires de Nouvelle-Calédonie. Ces résultats vont nous permettre de formuler et de porter des recommandations concrètes en termes d’aires marines protégées et d’évolution des pratiques et réglementations.
Cet important déploiement de balises a été possible grâce à de nombreux collaborateurs : le gouvernement de Nouvelle-Calédonie et les 3 provinces, l’Aquarium de Lagons, l’Association Bwärä Tortues Marines, l’Association de Sauvegarde de la Biodiversité d’Ouvéa, Koumac Environnement et Hulîlî Malep.