L’obsession de la publicité pour les SUV
En tout, les constructeurs automobiles ont dépensé en 2019 1,82 milliards d’euros pour convaincre les consommateurs d’acheter des véhicules SUV, pourtant plus lourds, plus chers et plus émetteurs que les autres modèles. Un investissement que le WWF France a voulu objectiver et analyser dans sa dernière étude Le trop plein de SUV dans la publicité.
Pour approfondir le sujet :
Stop SUVLes SUV occupent aujourd'hui une place de premier rang dans la publicité.
3h50 d'antenne chaque jour, soit l'équivalent de deux matchs de football, ont été dédiées à la promotion des SUV à la télévision, en France, en 2019. Un chiffre frappant qui en dit long sur la surexposition des consommateurs à la publicité de véhicules polluants à la TV, mais aussi sur d’autres formats : affiches dans les rues ou les transports, bannières internet, doubles pages dans les magazines, spots radio, placements de produits… En tout, les constructeurs automobiles ont dépensé en 2019, 1,8 milliards d’euros pour convaincre les consommateurs d’acheter des véhicules SUV, pourtant plus lourds, plus chers et plus émetteurs que les autres modèles. Un investissement que le WWF France a voulu objectiver et analyser dans sa dernière étude Le trop plein de SUV dans la publicité.
En 2019, le Haut Conseil pour le Climat pointait du doigt la responsabilité des transports dans les émissions de gaz à effet de serre en France, puis l’AIE alertait sur celle des SUV dans la croissance des émissions mondiales de CO2. Fort de ces constats, en octobre dernier, le WWF France a publié deux premiers rapports : Le poids écrasant des SUV sur le climat et L’impact écrasant des SUV sur le budget des ménages. Avec une multiplication par 7 des ventes de SUV en 10 ans, les conclusions de ces études sont sans appel.
Pour honorer ses engagements climatiques, la France doit faire reculer les ventes de SUV. Pour cela, un malus poids découragera à partir de 2022 l’achat des SUV les plus lourds. Alors que les pouvoirs publics s’efforcent de limiter les ventes de SUV à travers ces premières mesures, les SUV continuent pourtant d’occuper une place de premier rang dans la publicité. Pour éviter que la publicité ne continue d’encourager l’explosion des ventes de SUV qu’elle s’est engagée à contenir, la France doit aussi interdire la publicité pour les SUV les plus lourds à l’occasion de la loi Climat en discussion au Parlement.
42 % des dépenses publicitaires du secteur automobile consacrées aux SUV
« S’ils prennent d’abord de l’espace dans nos rues, les SUV encombrent aussi l’espace publicitaire au détriment d’autres véhicules d’avenir, légers et très peu émetteurs. »
Dans sa dernière étude, afin d’objectiver le débat sur la nécessité d’encadrer la publicité dédiée aux produits polluants et notamment les SUV, le WWF France s’est penché sur la part que celle-ci représente et son influence sur les consommateurs. Pour cela, il s’est appuyé sur les données du cabinet Kantar Media selon lesquelles l’ensemble des dépenses de publicité et de communication du secteur automobile s’élevaient à 4,3 milliards d’euros en 2019.
Résultat : les constructeurs consacrent 42% de leur dépenses publicitaires à la promotion de ces modèles, soit l’équivalent de 1,8 milliards d’euros investis pour des publicités vantant les mérites des SUV. Cela représente, pour chaque SUV vendu en France, un investissement publicitaire de 2300 euros.
En 2019 à la télévision, les spots publicitaires vantant les mérites des SUV ont cumulé 3H50 d’antenne quotidienne, soit l’équivalent de 2 matchs de football par jour, ou de 6 journaux télévisés. En comparaison, les spots dédiés à la sécurité routière représentent moins de 3 minutes quotidiennes à la TV sur la même période. Dans les journaux et magazines, les publicités pour SUV représentaient, quant à elles, l’équivalent d’une édition quotidienne nationale complète de 18 pages.
Les citadines et berlines, pourtant plus légères et moins émettrices, sont loin de bénéficier des mêmes moyens : l'investissement publicitaire qui leur est dédié est moins important : 1,2 milliards d’euros, soit 1700 euros dépensés pour chaque véhicule vendu.
« Nous connaissons déjà le poids des SUV sur la trajectoire climatique de la France mais aussi sur le pouvoir d'achat des Français. En dépit des conséquences environnementales et sociales et malgré la mobilisation des pouvoirs publics, qui vont instaurer dès 2022 une taxe sur la vente de véhicules les plus lourds au dessus de 1,8 tonnes, les SUV continuent d’occuper une place de premier rang : s’ils prennent d’abord de l’espace dans nos rues, les SUV encombrent aussi l’espace publicitaire au détriment d’autres véhicules d’avenir, légers et très peu émetteurs. Ca ne peut pas continuer ainsi. Pour freiner cette tendance, le gouvernement doit agir en interdisant la publicité pour les véhicules les plus lourds et en la réorientant vers la promotion de véhicules ou de mobilités d’avenir légers et peu émetteurs. »
Isabelle Autissier, présidente du WWF France
Les mérites surgonflés des SUV
Le WWF France a repéré des stéréotypes utilisés par la publicité pour vanter les mérites des SUV mais qui se trouvent désaccordés avec la réalité d’usage et leur impact :
- Un véhicule à la fois puissant et sécurisant : alors que les publicités SUV proposent un imaginaire de véhicule “cocon de confort”, les études démontrent que les conducteurs ont 10% de risques en plus d’avoir un accident et un piéton a 2 fois plus de risques de mourir en cas de collision avec un SUV.
- Un véhicule conçu pour conquérir et dominer l’espace naturel voire pour le protéger : les références faites à la dimension verte des SUV voire à leurs bénéfices pour la planète et les espèces sont de plus en plus nombreuses alors que l’impact de ces véhicules sur l’environnement n’est plus à démontrer. Selon l’AIE, ils représentent en 2019 la deuxième source de croissance des émissions CO2 en France.
- Un véhicule conçu pour la famille : présentés comme la voiture familiale par excellence, les SUV se sont imposés au détriment d’une offre autrefois spécifiquement conçue pour les familles, à l’image des monospaces dont les ventes ont chuté de 10% à 2% du total en 10 ans alors que les ventes de SUV ont été multipliées par 7 sur la même période.
Encadrer la publicité pour limiter l'exposition des consommateurs aux produits polluants
La progression de la pub comme du parc automobile pour les voitures électriques est une évolution positive, à condition de privilégier des véhicules plus légers.
A l’occasion des discussions autour de la loi Climat et résilience et de la publication hier, des engagements volontaires du monde de la pub, le WWF France soutient que l’espace publicitaire ne doit pas continuer de faire la promotion des produits utilisant des énergies fossiles.
Le WWF France appelle le gouvernement et les parlementaires français à poursuivre leur mobilisation engagée pour freiner la progression des SUV et propose :
- d’interdire la publicité pour les véhicules les plus lourds et les plus polluants ;
- de réorienter l’ensemble de la publicité vers la promotion de véhicules d’avenir, légers et très peu émetteurs ou mieux, vers des formes de mobilité plus durables en agissant sur le prix de la publicité.