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06. octobre 2020 — Communiqué de presse

Catastrophe climatique et gouffre pour le budget des ménages : il est urgent de faire reculer la vente des SUV

Deuxième source de croissance des émissions de CO2 françaises ces dix dernières années derrière le secteur aérien, les SUV ont un impact écrasant sur le climat. Ces voitures qui consomment plus et émettent plus, sont aussi un fardeau pour le budget des ménages. C’est le constat sans appel des deux études présentées par le WWF France alors que le gouvernement vient de présenter le projet de loi de finances pour 2021. Les décideurs politiques doivent se saisir de cette opportunité pour faire reculer les ventes de SUV et orienter l’industrie automobile vers la production et la vente de véhicules plus légers, respectueux de l’environnement et plus favorables au pouvoir d’achat des Français.

Caractérisés par la carrosserie d’un tout-terrain, les SUV (Sport Utility Vehicle) sont en moyenne plus hauts, plus longs (+26 cm), plus larges (+10 cm), mais surtout plus lourds (+205 kg) et plus puissants (+ 26 ch) que les voitures standards (moyenne des citadines et berlines pondérée par leur part de marché).

En 10 ans, les SUV ont vu leurs ventes multipliées par sept. Ils représentent en 2019 plus de 38% des ventes de voitures neuves contre moins de 6% en 2009. Autrefois portées par les départements les plus aisés et les plus urbanisés, tels que Paris et les Hauts-de-Seine, les ventes de SUV concernent maintenant tout le territoire.

Faire reculer les ventes de SUV pour tenir nos engagements climatiques

Dans sa première étude L’impact écrasant des SUV sur le climat, le WWF France a quantifié l’impact des ventes de SUV sur les émissions françaises de CO2 ces dix dernières années et leurs projections selon quatre scénarios à l’horizon 2030 en s’appuyant sur un croisement de données du secteur de l’industrie automobile et d’institutions (Ademe, Aie, Iddri, Pfa, Rte...).

Les conclusions sont claires : les SUV émettent plus (+20% de CO2 par rapport à une voiture standard) et ont une empreinte carbone sur l’ensemble du cycle de vie (fabrication, utilisation et fin de vie) plus importante qu’une voiture standard (1,3 fois plus) et encore plus importante qu’une citadine électrique (5,7 fois plus).

Si rien n’est fait pour ralentir et infléchir la courbe des ventes de SUV (scénario tendanciel), la France ne pourra pas tenir ses engagements climatiques pour 2030. Les SUV représenteront alors environ 2/3 des ventes et émettront alors deux fois plus de GES qu’aujourd’hui. A l’inverse, dans le scénario le plus ambitieux (scénario sobriété), la France pourra respecter ses engagements climatiques voire même honorer l’ambition de l’Accord de Paris.

L’étude du WWF France démontre également que l’électrification du parc automobile au global ne constitue pas à elle seule la solution pour tenir les engagements climatiques en termes d'émissions de CO2. D'ici 2030, en électrifiant son parc automobile sans réduire les ventes de SUV (scénario SUV électrique), la France ne tiendrait pas les engagements qu'elle s'est fixés (+600 000 tCO2éq). Alors qu'en faisant reculer les ventes de SUV tout en électrifiant le parc automobile (scénario berline et citadine électrique), la France respecterait ses objectifs actuels climatiques (avec même -2% par rapport aux objectifs fixés). 

Dans le scénario le plus ambitieux (scénario sobriété), s’appuyant sur plus d’alternatives de mobilités durables en plus de l’électrification du parc automobile et de la réduction des ventes de SUV, la France pourra donc respecter ses engagements climatiques voire même honorer l’ambition de l’Accord de Paris. 

Faire reculer les ventes de SUV pour protéger le pouvoir d’achat des plus modestes

Dans sa deuxième étude L’impact écrasant des SUV sur le budget des ménages modestes, le WWF France a évalué l’impact des ventes de SUV sur le pouvoir d’achat et leurs projections selon différents scénarios à l’horizon 2030 en s’appuyant sur un croisement de données liées à la géographie, au niveau de vie, au parc automobile et aux ventes annuelles, ainsi qu’aux pratiques de mobilité.

Le WWF France s’est concentré sur le marché de l’occasion puisque les ménages modestes représentent 75% des acheteurs de ce marché qui devrait subir dans les prochaines années l’arrivée massive de SUV d’occasion. 

Là encore, le constat est édifiant : rouler en SUV coûte plus cher. Un SUV de moyenne gamme coûte près de 30 % plus cher, à l’achat, qu’une berline de moyenne gamme, et consomme près de 20 % plus de carburant. 

Si rien n’est fait pour inverser la tendance (scénario tendanciel), l’arrivée des SUV sur le marché de l’occasion pourrait faire grimper de 13% le budget voiture des ménages modestes (achat, frais de carburant, assurance, entretien) soit un surcoût de 408 € par an. C’est plus de 3 fois le surcoût qu’ils ont supporté en 2018 en raison de l’augmentation des prix à la pompe qui a précédé le mouvement des Gilets jaunes.

Cette recomposition du marché de l’occasion risque de renforcer les fractures sociales et les inégalités d’accès à la mobilité. Le surcoût imputable à l’arrivée des SUV pèsera d’autant plus fortement sur le budget des ménages modestes qu’ils n’auront accès qu’aux SUV les plus bas de gamme et les plus anciens, donc les plus consommateurs. Plus dépendants à la voiture, les ménages installés en périphérie urbaine et en zone rurale seront davantage pénalisés. 

Prendre des décisions pour éviter une nouvelle décennie du SUV

Plutôt que de pénaliser, demain, des consommateurs encombrés d’une voiture lourde et coûteuse, le WWF France appelle le gouvernement à inciter sans attendre les constructeurs à privilégier des solutions plus légères, moins dommageables au climat et plus favorables à leur pouvoir d’achat.

Face à un dispositif de bonus-malus aujourd’hui faiblement incitatif qui ne cible que les émissions à l’échappement, la fiscalité automobile doit être renforcée et restructurée autour du critère complémentaire du poids pour intégrer l’ensemble des externalités environnementales de la voiture. 

Discuté en ce moment dans le cadre du projet de loi de finances 2021, le plan de relance doit permettre de réorienter le parc automobile pour ne pas entrer dans une nouvelle décennie du SUV qui serait à la fois une catastrophe climatique et un gouffre pour les ménages les plus modestes. Alors que le projet présenté par le gouvernement reste silencieux sur le poids des voitures et ne renforce que timidement la fiscalité automobile existante, les députés ont la responsabilité de retranscrire dans le projet de loi de finances les propositions soumises à ce sujet par la Convention citoyenne pour le climat au Président de la République.

« Nous mesurons aujourd'hui l'impact écrasant sur le climat et sur le budget des ménages français des SUV, ces voitures qui par leurs poids consomment plus, émettent plus et coûtent plus cher et dont les ventes ont explosé ces dix dernières années. Si rien n'est fait pour inverser la tendance, les SUV pourraient représenter 2/3 des ventes en 2030 et renforcer les fractures sociales et les inégalités d’accès à la mobilité. La situation relève de l'absurde car les décideurs politiques disposent de toutes les clefs pour agir ! Un premier pas consisterait à renforcer et refonder la fiscalité automobile autour d'un critère poids dans le cadre de l'examen en cours du projet de loi de finances. Le gouvernement est face à un choix historique : continuer comme avant ou ré-orienter sans attendre l’industrie automobile vers la production et la vente de véhicules plus légers, plus respectueux de l’environnement et aussi plus favorables au pouvoir d’achat. »

Isabelle Autissier, présidente du WWF France