Au Népal le tigre prend de la hauteur
Dans la chaîne du Mahâbhârat, plus connue sous le nom de « petit Himalaya », un tigre a été photographié à 2 500 m d’altitude. C’est une première qui ouvre de réelles perspectives pour la sauvegarde de l’espèce !
Pour approfondir le sujet :
Ensemble sauvons les tigres (TX2), Protéger les tigres de Sumatra, TigreDe l’adoration à la persécution
C'est le taux de diminution de la population du tigris tigris, en 100 ans.
En Inde, il est le frère de l’Homme. Pour les tibétains, il incarne la sagesse, celui qui détient la clé de la vie éternelle. La fascination qu’il exerce par son charisme et la place qu’il occupe dans l’inconscient collectif fait aujourd’hui du tigre l’une des espèces les plus braconnées de la planète. Recherché pour sa peau mais aussi pour diverses parties de son corps, supposées soigner plusieurs pathologies dans la médecine traditionnelle chinoise, le félin est victime d’un trafic international, exercé par de puissantes mafias. Si sa chasse est désormais interdite, en Asie, on continue de le tuer pour s’approprier symboliquement sa puissance, fabriquer des médicaments ou encore pour en faire des articles de décoration, des tentures, des tapis ou des objets souvenirs. La destruction de son habitat constitue également une menace sérieuse pour tigris tigris. Ainsi, la surface de son habitat naturel se réduit tellement qu'il se forme des groupes d'individus qui n'ont de cesse de décroître. En conséquence, les populations ne se croisent plus entre elles et le tigre ne se reproduit plus que sur 7% de son territoire originel.
En un siècle, sa population a diminué de 95%. À l’échelle mondiale, elle a atteint le niveau historique de 3 200 individus alors qu’elle était estimée à 6 000 individus dans les années 2000.
Doubler la population mondiale
Le WWF veut dénombrer les tigres pour mieux les protéger afin d’atteindre l'objectif mondial « Tx2 ».
Heureusement, le tigre dispose d’un sérieux atout. Il appartient à une espèce qui se reproduit facilement, pour peu qu’elle ait assez de proies, un peu d’espace et qu’on arrête de la pourchasser ! L’espoir de voir sa population se rétablir est donc permis.
C’est pourquoi le WWF a initié « Tiger x 2 », l'objectif mondial consistant à doubler le nombre de tigres sauvages d'ici 2022. En 2010, lorsque le nombre de félins a été estimé à moins de 3 200, les 13 pays dits du tigre (Bangladesh, Bhoutan, Cambodge, Chine, Inde, Indonésie, Laos, Malaisie, Birmanie, Népal, Russie, Thaïlande, et Vietnam) se sont engagés à atteindre l’objectif de 6 000 animaux d’ici 2022, la prochaine année du Tigre de l’horoscope chinois.
Pour évaluer leur nombre et garder un œil sur eux, nos experts utilisent des pièges photographiques. Grâce à ces caméras infrarouges qui détectent les mouvements, nous récoltons des informations précieuses sur la façon dont les félins se déplacent et se reproduisent. Des milliers de personnes sont impliquées, de grandes distances sont couvertes et le processus peut prendre plus d'un an. Les experts du WWF ont ainsi photographié plus de 500 tigres sauvages, chacun identifiable par ses rayures uniques, telles une empreinte digitale. Soit plus de 15% de la population mondiale estimée selon le dernier recensement à 3 890 individus. Mais de nombreuses régions demeurent inexplorées et certains pays ne disposent pas de chiffres actualisés.
Un cliché porteur d’espoir
C'est à plus de 2 500 m d'altitude qu'a été aperçu un tigre au Népal ! Du jamais vu.
Une simple intuition est souvent à l’origine de grandes découvertes. Nous avions la confirmation de la présence du tigre dans les habitats de basse altitude, des traces du félin ayant été observées depuis la chaîne Churia au Népal jusqu’au aux forêts de Boom, Danda et Champawat en Inde. Mais nous avons souhaité étendre le périmètre de notre étude, poussés par l’instinct que tigris tigris pouvait s’établir à des altitudes plus élevées. Résolu à vérifier cette hypothèse, le WWF Népal a rejoint la mission d’exploration du MPO, apportant une contribution humaine, financière et technique. Pendant un mois, nous avons quadrillé une zone de 130 km2 à l’aide d’une soixantaine de caméras-pièges réparties entre 1 650 m et 2 550 m. Il ne nous restait plus qu’à patienter en croisant les doigts… Soudain, la preuve que nous espérions est arrivée, tangible, implacable, irréfutable : la photo d’un tigre prise à plus de 2 500 m d’altitude ! Désormais, nous sommes en mesure d’affirmer que les territoires de haute altitude peuvent constituer des habitats naturels pour le tigre ainsi que des corridors écologiques indispensables à leur survie, soit des zones par lesquelles les animaux transitent pour leurs besoins primaires : se nourrir et se reproduire.
Cette découverte élargit considérablement l’aire de répartition du tigre dans la région, que nous cantonnions jusqu’alors aux habitats forestiers de basse et moyenne altitudes. Une excellente nouvelle à l’heure où le monde entier se bat pour sauvegarder l’espèce. Elle ouvre également des pistes pour de nouvelles recherches sur l'utilisation par le tigre de ces habitats de haute altitude et sur la connectivité entre le Népal et l'Inde, élargissant les opportunités pour une coopération transfrontalière plus étroite. Et surtout, elle renforce notre conviction : les tigres sont une espèce hautement adaptative. S'ils sont bien protégés et que l'abondance de proies et d'habitats contigus est disponible, alors, leur population pourra être restaurée !