Philippines : la pêche au thon se bonifie
Promotion de la pêche à la ligne manuelle et distribution de glacières pliables pour optimiser la conservation des produits. Grâce à nos projets pilotes, les pratiques des thoniers s’améliorent dans les régions de Bicol et de Mindoro.
Au bord de l’extinction
En moyenne, les captures accessoires représentent 27 millions de tonnes de poissons par an, selon la FAO (sur 94 millions de tonnes de poissons pêchés).
Le thon albacore est le poisson le plus consommé dans l’hexagone. On le retrouve dans les placards de 9 Français sur 10. Aux philippines, leader des exportations vers l’Europe, l’espèce est particulièrement menacée ! C’est dans les années 90 que l’effort de pêche s’est intensifié. Les techniques traditionnelles ont cédé la place à des pratiques de moins en moins sélectives.
Chez les thoniers, les dispositifs de concentration de poissons (DCP), notamment, ont le vent en poupe. Il s’agit d’un assemblage d’objets flottants se prolongeant sous l’eau par des filets ou des cordages. Les poissons sont instinctivement attirés par ces étranges radeaux. Utilisés depuis des millénaires par les pêcheurs artisanaux, ce qui pose problème aujourd’hui, c’est leur nombre et les balises GPS qui les complètent désormais. Ces dernières permettent de suivre en temps réel la position de chaque DCP. Quant aux sondeurs, ils renseignent les pêcheurs sur le volume exact de poissons concentrés autour du dispositif. En un coup de filet, plus de 100 tonnes de thons peuvent ainsi être capturés. En d’autres termes, les prises sont beaucoup trop importantes au regard de l’état des stocks.
Requins, tortues, poissons juvéniles... De nombreuses espèces sont menacées par les captures accessoires.
Et surtout, cette technique génère de nombreuses prises accidentelles. Des espèces sensibles et en voie d’extinction comme les requins et les raies, des thons jaunes juvéniles, trop petits pour avoir eu le temps de se reproduire et d’autres espèces de poissons dont les stocks sont déjà en partie surpêchés, sont également capturés alors qu’ils n’étaient pas ciblés. Ces pratiques irresponsables mettent nos océans en péril en pillant les ressources naturelles. Mais elles menacent également les moyens de subsistance des communautés qui en dépendent, en premier lieu, les pêcheurs.
Sauvegarder le thon
Contre les pratiques de pêche destructrices et la surexploitation des stocks, le WWF agit en faveur d’une pêche plus soutenable afin que la population de thons puisse se renouveler dans toutes les mers du globe. Aux philippines, dans la région de bicol, nous avons initié en 2011 un projet pilote pour promouvoir la pêche du thon albacore selon la méthode traditionnelle de pêche à la ligne manuelle. Cette dernière fait vivre les villages de pêcheurs locaux depuis des millénaires. La fixation de quotas de pêche et l'élaboration d'un plan de gestion durable doit permettre de redonner un avenir à cette technique ancestrale qui, non seulement n’abîme pas les fonds marins et ses précieux récifs coralliens, mais qui évite également les prises accessoires.
A terme, le but est de parvenir à la certification de cette pratique de pêche selon les standards du Marine Stewardship Council (MSC), un label permettant de garantir la pérennité des stocks de thons et de minimiser l'impact sur l'environnement. Notre objectif est d'atteindre une part de 40% de poissons certifiés sur le marché français. Pour ce faire, nous travaillons au sein du WWF Seafood Group avec des détaillants auxquels nous apportons notre aide pour qu'ils augmentent peu à peu la proportion de poissons et de fruits de mer durables dans leur assortiment.
Mieux pêcher et garder au frais
A ce jour, près de 6 000 pêcheurs se sont engagés, via notre projet, à privilégier les techniques de capture traditionnelles pour préserver le thon jaune. A terme, l’instauration d’une filière certifiée MSC permettra de sécuriser leurs débouchés grâce à l'engagement pris par nos partenaires Coop et Bell Food Group SA de leur garantir un accès sur le long terme aux marchés demandeurs ainsi qu'un bon prix d'achat. En parallèle, nous soutenons la formation de gestionnaires halieutiques au sein des pêcheries coopératives. Ainsi, les représentants de chaque village de pêcheurs participent à des rencontres régulières avec les autorités nationales et la communauté scientifique.
« Pour moi, c'est une grande aide car cela permet de maintenir la qualité de mes prises. Plus la qualité est bonne, meilleurs sont les revenus. »
Dans le cadre de ce projet, les pêcheurs apprennent notamment à réfrigérer et à stocker correctement leurs prises afin d'améliorer la qualité de leurs produits. En effet, certains thoniers enveloppent leurs prises dans du papier à bulle ou du ruban adhésif. Une partie de la marchandise, faute d’équipements de refroidissement, est gaspillée ou vendue à bas prix car plus assez « fraîche » au moment de sa mise sur le marché.
Le WWF Philippines et Fortuna, une société de solutions de chaîne du froid, ont donc eu l’idée de distribuer des glacières pliables Fortuna Cools aux pêcheurs de Bicol. Sur 200 glacières livrées, 50 ont été données par Fortuna, le reste a été financé par le WWF Philippines. L’objectif? Augmenter les revenus des pêcheurs en prolongeant la durée de conservation de leurs produits.
Pratiques, faciles à nettoyer et suffisamment solides pour accueillir au moins trois pièces d'un poids moyen de 35 kilos, ces glacières en polystyrènes sont devenues les nouvelles alliées des thoniers… Pour le moment, sur les 200 livrées début juin, seule une vingtaine a été distribuée. Les communautés de pêcheurs du golfe de Lagonoy seront les prochains à en bénéficier en attendant que l’initiative soit déployée à plus grande échelle dans le pays.