COP27 : Un accord historique sur les pertes et dommages, une occasion manquée pour sauver le climat
Après une première semaine sans progrès notables, les négociations se sont emballées ces dernières heures à la COP27 et les propositions multipliées pour parvenir à un accord sur les pertes et dommages. Au terme de cette 27ème COP et alors que la crise climatique a frappé de plein fouet cette année de nombreuses régions du monde, l’action climatique reste en sursis : les engagements des Etats nous mènent encore à la catastrophe climatique et les Etats réunis à la COP n’ont pas su dépasser les engagements de Glasgow ni osé briser le tabou du gaz et du pétrole, qui continuent de tirer à la hausse les émissions de CO2 en 2022. Silencieuse sur l’urgence d’un accord mondial sur la biodiversité, la COP27 prive même le prochain rendez-vous pour la nature, la COP15 de Montréal, d’un élan politique dont elle a encore grandement besoin pour protéger et restaurer la biodiversité, pourtant rappelée à la COP27 comme une alliée incontournable dans la lutte contre le réchauffement climatique.
Un accord historique pour la justice climatique, pas de progrès sur l’ambition
Loin de limiter la montée des températures à 1,5 °C, les engagements pris à la COP27 mènent la planète vers un réchauffement d’au moins +2,4°C.
C’était un sujet central des négociations, qui a connu cette deuxième semaine de nombreux rebondissements. Malgré le fort appel lancé au début de la COP par les pays les plus affectés, notamment les petits pays insulaires, et malgré de premières initiatives des pays développés qui ont reconnu le besoin de faire face aux conséquences irréparables du réchauffement climatique, toujours aucun mécanisme de financement n’avait été concrétisé au bout d’une semaine de négociations. Pourtant, cette demande visait à répondre au besoin concret de répondre aux catastrophes climatiques auxquelles il n’est plus possible de s’adapter, telles que les inondations récentes au Pakistan ou la montée des eaux qui menace les pays insulaires.
Après plusieurs rebondissements, notamment autour de la proposition européenne d’un fonds qui a suscité des débats nourris sur le champ des pays contributeurs comme celui des pays bénéficiaires, un accord a finalement été trouvé tard dans la nuit de samedi à dimanche. Le WWF se félicite du chemin parcouru par de nombreux Etats, dont les pays de l’Union européenne, pour reconnaître et formaliser ce besoin urgent d’aider les pays sur le front du réchauffement climatique. Un fonds devra ainsi être opérationnalisé d’ici la COP28 avec les contributions de plusieurs pays en développements et pays développés.
Reste que le financement des pertes et dommages, s’il est nécessaire pour répondre aux impacts déjà dévastateurs du réchauffement climatique, ne suffit pas pour sortir de la crise climatique : la réduction des émissions est une priorité sur laquelle la COP27 a échoué. Alors qu’ils s’étaient engagés à Glasgow à rehausser leurs engagements d’ici la COP27, les Etats ne sont pas sur la bonne trajectoire : bien loin de limiter la montée des températures à 1,5 °C, les engagements actuels mènent la planète vers un réchauffement d’au moins +2,4°C. Outre ce retard dans l’action, le WWF déplore l’érosion du consensus forgé à Paris pour limiter le réchauffement à 1.5°C, les Etats réunis en Egypte ayant été incapables de se mettre d’accord pour progresser par rapports aux engagements pris à Glasgow et plusieurs pays s’étant opposés à réaffirmer cet objectif +1.5°C dans la décision finale de la COP.
Le gaz et le pétrole redeviennent un tabou à cette COP
En 2022, les énergies fossiles auront représenté 36 milliards de tonnes de CO2 sur le total de 40 milliards de CO2 émis par les activités humaines.
Si la COP26 s’était soldée sur une avancée inédite en appelant pour la première fois à sortir des subventions aux énergies fossiles et en mentionnant également la sortie du charbon, le gaz et le pétrole restent un tabou de la COP sur le climat. Ce, alors que la combustion des énergies fossiles, notamment du pétrole, continue de tirer à la hausse les émissions de CO2 et atteint des records en 2022. En 2022, les énergies fossiles auront représenté 36 milliards de tonnes de CO2 sur le total de 40 milliards de CO2 émis par les activités humaines.
Le WWF regrette que les propositions répétées de plusieurs pays, dont l’Inde, l’Union européenne et les petits Etats insulaires, n’aient pas trouvé de place dans l’accord final adopté à la COP27, et espère que cette dynamique se traduira dans d’autres enceintes de coopération internationale, telles que le G20 dont l’Inde assumera la prochaine présidence. Par ailleurs, alors que plusieurs pays comme la Tanzanie, l’Estonie et le Kenya avaient annoncé viser un mix énergétique 100 % renouvelable, l’accord trouvé à la COP mentionne explicitement le besoin d’accélérer les énergies renouvelables, mais intègre aussi des termes flous tels que “énergies faiblement émettrices” ou “diversification” qui risquent de promouvoir et perpétuer le développement de diverses formes d’énergies fossiles et de technologies de capture.
La biodiversité, alliée du climat mais oubliée de la COP
"Le WWF regrette le silence de la COP27 sur l’urgence d’adopter à Montréal un accord mondial pour protéger et restaurer la biodiversité, première allée dans la lutte contre le réchauffement climatique."
Ce sera une contribution dont on ne pourra pas se passer si on veut respecter l’objectif de l’accord de Paris : les Etats réunis à la COP27 s’en sont pourtant passés, la décision finale adoptée ce samedi se contentant de rappeler l’importance et l’urgence de protéger et restaurer les écosystèmes naturels, sans néanmoins faire aucune référence à l’accord mondial qui doit être adopté à cet égard à la COP15 qui débutera dans quelques jours à Montréal.
Ce n’est pas faute d’avoir, pour cette COP27, largement rappelé le rôle d’alliée incontournable que doit tenir la biodiversité pour limiter et nous adapter au réchauffement climatique. Alors que plusieurs pays comme la France, les Etats-Unis, le Ghana ou la Colombie s’étaient engagés en faveur de la biodiversité et en particulier des forêts à l’ouverture de la COP27, le rapport “Notre alliée secrète” publié par le WWF cette deuxième semaine a rappelé que la nature avait déjà absorbé 54% des émissions liées aux activités humaines et qu’elle avait à ce titre contribué à ralentir le réchauffement climatique.
Si les architectes de l’accord de Paris ont appelé dans la foulée à adopter un “accord jumeau” à l’accord de Paris, celui-ci dédié à la biodiversité, la demande d’un nombre croissant d’Etats d’Europe, d’Afrique, d’Amérique du Sud n’a pas été entendue et la décision finale de la COP27 prive la COP15 biodiversité d’un élan politique dont elle a encore besoin pour faire adopter un accord capable d’inverser d’ici 2030 l’effondrement de la biodiversité.
Arnaud Gilles, chargé de la diplomatie verte au WWF France :
“La COP27 se conclut ce matin sur un accord historique pour le financement des pertes et dommages, après des rebondissements jusque tard dans la nuit. Ce n’était pas gagné et il faut mesurer le chemin qui a été parcouru pour convaincre des pays comme ceux de l’Union européenne de répondre aux besoins des pays en développement qui sont sur le front de la crise climatique et qui ne sont pas responsables de ce qui leur arrive. Financer les pertes et dommages est nécessaire mais pas suffisant : il est aussi urgent de réduire les émissions de gaz à effet de serre. A cet égard, l’ambition climatique n’a pas bougé d’un pouce pendant la COP : non seulement les Etats réunis pour la COP27 n’ont pas su dépasser l'ambition du pacte de Glasgow adopté à la COP26, mais c’est à peine s’ils sont parvenus à se mettre d’accord pour réaffirmer cette ambition qu'ils avaient adoptée en 2021. En particulier, après une avancée inédite à la COP26, les énergies fossiles sont redevenues un tabou que les Etats n’ont pas osé briser à la COP27 et qui continuent en 2022 de tirer vers le haut les émissions à des niveaux records. Alors que la crise climatique frappe déjà toutes les régions du monde, cette stagnation de l’ambition envoie donc le signal dramatique d’une occasion manquée. A quelques jours de l’ouverture de la COP15 biodiversité, le WWF regrette le silence de la COP27 sur l’urgence d’adopter à Montréal un accord mondial pour protéger et restaurer la biodiversité, première allée dans la lutte contre le réchauffement climatique.”